Sarah CAILLAUD

30 ans, journaliste

Petite-fille de Jeanne Caillaud

 

Ma grand-mère Jeanne Caillaud (Fayolle de son nom de jeune fille) a reçu la médaille des Justes le 25 octobre 1978.

Elle avait 21 ans quand elle est rentrée à la Préfecture de la Vienne à Poitiers, qui était en zone occupée pendant la Seconde Guerre mondiale. Pendant cette période, elle était rédactrice à la première division (service des internés administratifs et des arrestations par les autorités allemandes). Elle s'est servie de sa fonction et des informations qu'elle avait pour aider des gens. Elle aurait pu être arrêtée et déportée, puisqu'elle fraudait, prévenait des juifs ou faisait passer la ligne de démarcation en cachette.
 Au début de la guerre, un grand nombre de personnes évacuées de Metz furent installées à Poitiers dont environ 2000 juifs. Un camp de concentration fut établi à l’entrée de la ville, sur la route de Limoges, où des Juifs ne possédant pas la nationalité française furent internés. Il était géré par la préfecture et les gendarmes y assuraient l’ordre ; les forces d’occupation allemandes étaient responsables de la supervision. Le rabbin Elie Bloch, de la communauté de Metz, et le père Jean Fleury créèrent un réseau de volontaires pour aider les détenus. Ma grand-mère faisait partie de ce réseau et elle consacrait ses efforts à l’obtention de permis pour permettre de remettre les jeunes détenus en liberté. En été 1943, les autorités commencèrent à transférer les jeunes vers Drancy d’où ils étaient déportés à Auschwitz.                                  

Elle a assuré aussi la fourniture de faux papiers pour  permettre à des jeunes d'échapper au STO (souvent en Allemagne). Elle leur disait de piétiner les cartes d'identités ou de les traîner dans la boue. De cette façon, lors d'un contrôle, on leur conseillait d'aller faire refaire la carte car elle était peu lisible. A la préfecture, elle volait alors des tampons et refaisait la carte, en changeant des lettres du nom...

Juillet 1942 fut le mois des arrestations massives en zone occupée. De par ses fonctions à la préfecture, ma grand-mère était informée des rafles prévues. Quand il y avait des commandes de paille, des réservations de wagons de train, des listes de juifs qui étaient dressées, elle savait ce que cela voulait dire. Au péril de sa vie, elle en communiquait les détails au père Fleury. Dans plusieurs cas, elle est allée aussi à vélo, ou à pied, prévenir les familles juives dont elle avait relevé les noms et adresses. Certains qui ne la connaissaient pas n'était pas sûrs qu'il faille la croire, d'autres sont partis le soir même mais sachant par des voisins que rien ne s'était passé ce jour-là, sont revenus le lendemain et ont été déportés un ou deux jours plus tard. D'autres ne savaient pas où  aller... Mais au total, elle a pu elle-même sauver ainsi plusieurs familles.

Voici quelques noms de gens connus qu'elle a sauvés : le doyen de la  fac de sciences de l'époque, M. Grumbach  et le directeur de l'hôtel-Dieu le Dr Wolfshom. Ma grand-mère a aussi prévenu Elie Bloch, le conseillant de fuir, mais il  n'a pas voulu abandonner les siens et il est mort en déportation.


Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?

Faire partie de la délégation de petits-enfants choisis par la fondation France Israël est pour moi une chance extraordinaire. Participer à ce voyage, a pour moi une importance particulière. Je n’ai pas eu la chance de partager avec ma grand-mère, décédée alors que je n’avais que 10 ans, son histoire, cette période douloureuse de sa vie. Je n’ai pu lui poser les questions qui aujourd’hui me taraudent. J’ai appris son histoire et ses actes contre la barbarie nazie, en détails, tardivement, par mes proches. Ce voyage me permettra d’entamer une vraie réflexion sur l’histoire de ma famille, de mieux la connaitre et de rencontrer aussi des personnes qui ont vécu cette période sombre de notre Histoire.

Durant mes études d’histoire, je me suis longuement intéressée à cette période. Je n’en reviens pas du courage qua ma grand-mère a eu à seulement 22-23 ans.

Ce voyage sera pour moi l’occasion de lui rendre hommage ainsi qu’à ceux qui ont eu le même courage.

Il y a 26 ans, ma grand-mère plantait son arbre dans le jardin des Justes à Jérusalem, je marcherai donc dans ses pas, avec je pense beaucoup d’émotions.

CHARLES DIETZ

25 ans, Etudiant en physique

 

Arrière-petit-fils de Madeleine DIETZ

 

Lors de l’arrivée des Allemands, la famille DREYFUS-SEE, de Valenciennes, s’était réfugiée en Dordogne. Le père, Albert, la mère, Geneviève, aidés des cinq enfants, étaient devenus cultivateurs depuis 1940. Mais en février 44, le père est arrêté pour des activités de résistance. Il est interné au camp de Nexon.

Geneviève écrit à l’une de ses amies de Valenciennes, Madeleine DIETZ, mariée à un pasteur protestant, et exprime sa crainte de se voir arrêter avec ses enfants. Madeleine entreprend alors le voyage de Valenciennes jusqu’en Dordogne. Elle se renseigne tout d’abord sur le sort d’Albert puis réussit à faire admettre trois des filles de la famille DREYFUS-SEE dans un pensionnat à Cognac, où les accompagne personnellement malgré le danger représenté par un voyage difficile et dangereux.

En outre, elle parvient à faire prévenir Geneviève que les Allemands vont l’arrêter. Celle-ci peut s’enfuir et rejoindre ses filles à Cognac.

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?

ce voyage est pour moi l'occasion de me rapprocher de l'histoire de ma propre famille et d'honorer la mémoire de mes aïeux qui ont pris de nombreux risques pendant la guerre. Je suis non seulement fier des actions de mon arrière-grand-mère, mais fier aussi qu'elles fassent l'objet d'une reconnaissance officielle.

   ANNE BARONE

29 ans, Analyste financier

Arrière-petite-fille et petite-fille d’Anna, Filemeno et Raymond Barone

 

 

 

Récit de Marcelle Barone, née ELEFANT, sauvée par la famille Barone pendant la guerre et grand-mère d’Anne.

 

En juillet 1942, la rumeur enfle d’une rafle importante et imminente, à tel point que la famille de mon époux Raymond, nous propose de nous héberger ma mère et moi dès le 11 juillet dans leur appartement du 4 rue des Martyrs, à Paris 9° arrondissement, où personne ne serait venu nous chercher.

 

Ma mère, hélas toujours soucieuse de ne laisser ni ses meubles ni son appartement refuse et ce qui devait arriver arriva, le 16 juillet 1942 à 5 heures du matin, comme partout dans Paris, la police française frappe à notre porte et emmène seulement ma mère, réfugiée et apatride vers une destination qui devait être Drancy.

 

Dans la matinée mon futur mari sur les conseils de mes beaux-parents, Anna et Filomeno Barone, ne me laissa pas le choix et m’embarqua pour leur domicile au 4 rue des Martyrs, lieu où je fus prise en charge de manière totale jusqu’à mon départ ultérieur en zone libre pour y rejoindre mon beau-père Jakob Lakhman.

 

Il est extraordinaire de noter que, jusqu’à la fin de l’occupation de Paris, le loyer de l’appartement de mes parents courrait, il a été réglé à la concierge par ma belle-mère, Anna Barone, qui prenait des risques insensés en récupérant également le courrier, dont les correspondances de ma mère reçues de Drancy jusqu’à sa déportation à Auschwitz, par convoi du 27 juillet 1942.

 

C’est par ma belle-mère que j’ai appris que la police était revenue à l’adresse pour me récupérer pour compléter les listes de personnes à déporter.

 

En résumé pour ce qui concerne ces points : à l’exception du jour même de la rafle et des quelques semaines suivantes, je n’ai pas véritablement été cachée à la suite de la rafle du 16 juillet 1942, dans la mesure où, après y avoir échappé, j’habitais au vu et au su de tous les occupants de l’immeuble du 4 rue des Martyrs à Paris, résidence de ma belle-famille et de mon fiancé de l’époque et sans explication particulière.

 

Je sortais dans Paris avec mon fiancé et nos amis, après avoir retiré l’étoile jaune sur ses conseils et sur ceux de sa famille.

 

Mais le résultat était qu’en pratique, j’avais échappé à toutes recherches et que j’étais bel et bien dans la situation de quelqu’un figurant sur les listes de personne à rechercher en raison de son origine raciale et non retrouvée grâce à un sauvetage.

 

Bien entendu, mais encore faut-il très fortement le souligner, pour tous ces héros tranquilles : futurs belle-mère, beau-père ou oncle et tante par alliance, il ne fut jamais question d’un quelconque arrangement financier.

 

Toutes ces actions (hébergement, quête du courrier, règlement du loyer pour un appartement sous scellés) leur apparaissaient purement et simplement normales.

 

Pour limiter les risques grandissants, mon beau-père, Jakob Lakhman , réfugié en Haute-Loire , décida me faire passer en zone libre pour le rejoindre à Saint-Paulien.

 

Le problème, pas mince, était le passage de la ligne de démarcation.

Pour ce faire, je pars en train le 15 août 1942 et franchis la ligne à Châlons sur Saône en présentant à l’Allemand de service, l’ausweiss permanent de la sœur du passeur contacté par mon beau-père.

Hasard ou nécessité bien que ne ressemblant absolument pas à la photo du document le garde m’a laissé passer.

Arrivée à Saint-Paulin, je réside avec mon beau-père dans une petite pension de famille où, tous les deux nous vivotons de petits travaux de couture.

 

Je correspondais avec mon futur époux et sa famille par carte « inter zones » jusqu’à l’invasion de la zone libre en novembre 1942, puis par courrier normal après cette date.

 

Au début 1943 nous avons décidé de nous marier et pour ce faire il me fallait des papiers d’identité.

 

Comme c’était pratiqué à l’époque, je me rendis dans une papeterie de Saint-Paulien où j’achetais une carte d’identité que je servis de mon nom Marcelle Elefant , fille de Diane Golo et de Léon Elefant.

 

Pour publication des bans à la mairie de Saint-Paulien , je dépose cette fausse carte qui est acceptée sans aucune difficulté et la date du mariage est fixée au 8 mai 1943.

 

Sans plus de précautions, nous remontons à Paris où je m’installe , avec mon mari au domicile familial des Barone , 4 rue des Martyrs.

 

Point important à signaler, mon mari, relevait normalement du fait de son âge, du STO, toutefois, le 15 juillet 1943 de santé fragile, il avait été déclaré inapte au départ et ne s’était pas présenté à une autre convocation.

 

Les autorités vichystes et d’occupation avaient cependant décidé à la même époque de faire partir en Allemagne toutes les classes relevant du STO sans aucune exception.

 

Pour éviter une descente de police au domicile de ses parents où j’étais « cachée » il a décidé pour ne pas me mettre en danger de se faire recenser et partit en Allemagne (Sankt-Wendel dans la Ruhr) le 12 août 1943.

 

Suite à une permission pour venir voir son père malade, mon mari revient à Paris le 17 décembre 1943 et ne retournera pas en Allemagne, devenant ainsi réfractaire au STO.

 

Nous sommes retournés dans l’appartement de ma mère au cours de l’année 1947.

SABINE GAGNIER

31 ans, Coordinatrice de projets chez AMNESTY

Petite-fille de Pierre et Hélène GAGNIER

 

Mon grand-père, Pierre Gagnier, était un pasteur protestant. Il avait rencontré ma grand-mère, Hélène Aubanel dans un village accroché à la montagne, à Barre-des-Cévennes. Ils auront quatre fils. Alors que mes grands-parents sont décédés depuis près de 25 ans, j’ai découvert, il y a quelques années seulement, qu’ils avaient aidé des familles juives, pendant les années d’occupation.

Pendant la Seconde guerre mondiale, mon grand-père est nommé à Nice en 1941, qui était alors en zone « libre ». Sous occupation italienne, la région ne connaissait pas les rafles effectuées ailleurs en France. Mais après le débarquement en Sicile, les Allemands occupent le comté de Nice. A la période assez « tranquille » de l’occupation italienne succède l’arrivée des Allemands et les rafles.

Pierre et Hélène Gagnier 

Mes grands-parents ont alors caché des familles juives dans le presbytère et dans le temple. Ils leur ont fourni des vivres et de l’argent. Ils ont trouvé des logements pour des enfants juifs dans des familles protestantes, à l’extérieur de Nice. Ils ont prêté leur maison familiale dans un village cévenol pour loger une famille juive qui courait un grand danger en restant à Nice. Ils ont fabriqué de faux certificats de baptême, de faux papiers d’identité et ont prêté un local à la Cimade pour que l’organisation protestante fasse de même. A un employé des questions juives, venu interroger mon grand-père sur les faux certificats de baptême qu’il délivrait, ce dernier a simplement demandé à l’officier s’il n’avait pas honte du métier qu’il exerçait !

 

Mon grand-père s’est aussi rendu complice d’évasion. L’un des jeunes juifs qu’il cachait parmi ses scouts protestants transportait des faux papiers pour une organisation juive. Ce dernier âgé de 18 ans à peine, s’est fait arrêter par la Gestapo et emmené dans un convoi qui partait pour la déportation. Mon grand-père qui parlait couramment allemand (il avait fait une licence d’allemand et un séjour en Allemagne puis avait été fait prisonnier en Westphalie pendant la drôle de guerre) a réussi à obtenir des renseignements à la Gestapo et a su dans quel convoi avait été emmené le jeune et l’a aidé à s’enfuir.

En fait, c’est un véritable réseau auquel mes grands-parents ont participé : le Réseau Marcel. Créé par Moussa Abadi et sa compagne Odette Rosenstock dans le but de sauver des enfants juifs, le réseau a permis de sauver plus de 500 enfants.

Pendant très longtemps, je n’ai rien su de tout cela. Mon grand-père disait : « Je trouve que nous autres, Chrétiens, ne devons rien raconter de ce que Dieu nous permit de faire pour nos prochains en détresse. C'était une faveur pour nous de pouvoir agir et lutter contre cette force antichrétienne que fut le racisme allemand ». Il a écrit ceci dans un livre de mémoires qu’il a intitulé « 50 ans de rencontres » où il raconte deux épisodes isolés de ce qui a été en réalité une aide bien plus importante.

Attirée par leur histoire et profitant de la nouveauté d’Internet, je faisais régulièrement des recherches sur mes grands-parents, espérant que cette nouvelle sphère pourrait les faire sortir de terre. Et d’une certaine manière, elle le fit. Je tombais, dans les années 2004-2005, sur des articles écrits par l’historienne Annette Wievorka et qui parlait en même temps du réseau Marcel et du Pasteur Gagnier. Au même moment, Andrée Poch Karsenti, ancienne enfant cachée, sauvée par Odette et Moussa Abadi, cherchait à retrouver la famille Gagnier... Nous avons retissé les fils de l’histoire ensemble et Andrée a été d’une grande aide pour l’obtention de la médaille des Justes, que mes grands-parents avaient refusé de leur vivant.

Les mémoires de mon grand-père portent une dédicace adressée à ses petits-enfants qui dit : « Pour qu’ils se souviennent ». Et c’est pour se souvenir que notre famille a accepté que leur soit décerné cette médaille. Il me semble primordial que leur histoire soit racontée et diffusée largement. A travers eux, c’est l’histoire de la Shoah qui peut être transmise aux générations futures afin que cela serve d’enseignement et que cela ne se produise plus.

A titre personnel, engagée dans un combat plus laïcisé, en faveur des droits de l’Homme, L’exemple de mes grands-parents m’accompagne, leur courage me soutient et leur humilité me guide.

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer à ce voyage ?

J'ai accepté de participer à ce voyage pour d'une part pouvoir raconter l'histoire et le courage de mes grands-parents. D'autre part, je suis intéressée par l'histoire d'Israël et celle de la Shoah. Je suis également intéressée de rencontrer d'autres personnes dont les parents ou grands-parents étaient du "même côté de l'histoire" que les miens et discuter avec eux de ce qu'ils en ont retiré pour leur vie personnelle.

VIRGINIE PSALTIS

22 ans

Arrière-petite-fille de Lucile Godrie Huteau

 

Lorsque j'étais petite, mon grand-père m'a un jour dit d'une voix pleine de tendresse :"Durant la Seconde Guerre, ton arrière-grand-mère a sauvé des juifs". Dans ses yeux, je pouvais lire de l'admiration.

Mon arrière-grand-mère s'appelle Lucile Marie Godrie Huteau, elle vivait à Niort, dans les Deux-Sèvres. Elle a accueillie en février 1943 dans une partie de sa maison la famille Bodenheimer, qui a échappé à la rafle du Vel d'Hiv quelques mois plus tôt. C’est une personne habitant près des Vieux Ponts de Niort, faisant partie d’un orphelinat (appelé RPA), qui était à la recherche d’un local discret pour loger les Bodenheimer.

Avec l’accord de son mari, Lucile accepta d’héberger clandestinement le père (réfugié allemand), Salomon dit Sadi, la mère (strasbourgeoise), Elvire et leurs deux enfants: Robert (dit Bobby par ses parents) et Renée-Laure. Quant à Alfred, le fils aîné, il est parti militer à Lyon dans la Résistance entre 1942 et la Libération. Deux chambres furent allouées à cette famille dans la maison du 110 rue de la Grange (au nord-ouest de la ville, dans un quartier isolé).

Très pauvre, la famille Bodenheimer, ne paie qu’une pension symbolique, procurée par le travail de Renée-Laure, aux établissements "Carrière et Jutarnon" artisans fabriquant de la limonade et autres boissons. Elle se procure ainsi du vin, très rare et rationné, qui sert à « payer » la paix relative laissée par les gendarmes.

Bobby va au collège Saint Joseph, où le sous-directeur le Frère LOUIS l’accepte bien que le sachant juif; sur l’intervention de mon arrière-grand-mère, il est dispensé d’assister aux messes car Bobby était censé l'aider à se rendre à une messe plus proche de leur domicile. Cette situation aurait pu être très dangereuse, l'aumônier du Collège étant également celui de la Milice.

Après la libération de Niort en septembre 1944, Sadi et sa fille repartent à Paris chercher du travail et un logement, tandis qu’Elvire et Bobby restent à Niort chez Lucile jusqu’à la fin de l’année 1945.

Le frère de Sadi, Heinrich a été déporté, ainsi que le voisin de Lucile, le docteur Lafitte, chirurgien à l’hôpital de Niort, qui fut déporté pour avoir opéré des résistants.

Mon arrière-grand-mère a eu le courage d’agir sous l’occupation nazie pour sauver de la mort Sadi, et sa famille. Il y a quelques mois encore, ma mamie m’a fait la confidence qu’elle, alors âgée de 18 ans, son frère et sa sœur avaient subi des pressions de la part du voisinage. "Un jour, une fermière qui pratiquait le marché noir, est venue à la grille de la maison. J'étais présente ce jour-là. Elle nous a mis en garde sur nos locataires. Ils pouvaient nous conduire à nous faire arrêter également si on était dénoncé... Ma mère n'y a pas prêté attention et s'en est allée. Nous n'étions pas au courant de la destination de ces familles, nous n'avions pas de TSF ni de journaux."

Pourtant quand j’étais une petite fille, elle ne m’avait jamais évoqué ce sujet. Par pudeur je pense, car cet acte d’amour a été naturel, normal, pour sa mère et elle-même.

Bobby, qui est décédé en mai 2011, a déclaré: "Le séjour chez Madame Godrie s'avère être la période la moins traumatisante de l'occupation. Madame Godrie nous assurait non seulement un toit et bien souvent la nourriture, mais donnait à mes parents un tel réconfort moral qu'ils lui ont été reconnaissants jusqu'à la fin de leur vie. (...) Je puis donc affirmer que l'attitude de Madame Godrie est uniquement due à sa grande compassion envers nous."

Quant à ma grand-mère, elle tiendra ses mots envers les Bodenheimer: «De Monsieur et Madame Bodenheimer, je garde un immense souvenir, ayant à leur conte une réelle affection. Monsieur Sadi, le père, m’a appris à jouer aux échecs et Madame Elvire, la mère, m’invitait à dîner bien souvent; des légumes cuits avec un os de veau, des boulettes de pâtes de sa fabrication et au fond desquels gonflaient des flocons d’avoine, un délice. (...) Alfred Bodenheimer, le deuxième frère, était venu quelques jours à la maison, nous discutions évènements, musique, sa préférence pour le compositeur Béla Bartok. Il m‘a fait connaître le chant des Partisans, j‘en ai retenu les paroles. »

C’est donc en 2012, que ma mamie a reçu de la main de Monsieur Michel Lugassy-Harel (ministre aux affaires administratives à l’ambassade d’Israël en France) le titre de « Juste parmi les Nations » pour sa mère, à titre posthume.

La cérémonie eut lieu à l'Hôtel de Ville de Niort en présence du préfet des Deux-Sèvres, Monsieur Pierre Lambert, Geneviève Gaillard (Maire de Niort, Présidente de la communauté d’agglomération de Niort et Députée des Deux-Sèvres) et Monsieur François Guguenheim (Délégué régional et Vice-président du comité français Yad Vashem).

Plusieurs discours ont été prononcés ce jour-là en l'honneur de mon arrière-grand-mère et de ma grand-mère, à la « France du cœur », dont celui de Danielle, la fille de Renée-Laure.

A cette occasion, les descendants de Sadi et Elvire, ont pu faire le déplacement, nous avons pu nous réunir autour d’un déjeuner pour évoquer ces temps de guerre. Ce fut très émouvant d’assister à ce repas et d’avoir rencontré cette grande famille, la valeur du geste héroïque dont a fait preuve mon arrière-grand-mère m’est d’autant plus apparue.

Le dimanche 14 octobre 2012, fut un jour rempli d'émotions. Il restera graver, c'est sûr, à jamais dans ma mémoire.

 

Pourquoi avez-vous accepté de faire ce voyage?

Je ne suis encore jamais allée en Israël. A travers ce voyage, la Fondation France Israël m’offre l’opportunité de perpétuer la mémoire de mon arrière-grand-mère. Je l’admire énormément. En effet, elle a risqué sa propre vie, celle de son mari malade et de ses trois enfants (Jacques, Janine et Luce) au nom de valeurs morales. Pour moi, elle a incarné le meilleur de l’humanité.

De plus, mon papi a effectué plusieurs séjours en Israël puisqu’il faisait partie des Bagheera R11 (régiment de parachutistes du 11ème Choc de la région Poitou-Charentes). Aujourd'hui, mon papi ne fait plus parti de ce monde. Je pense qu'il aurait été très touché que je fasse ce voyage.

MORGANE CABIROL

18 ans, Lycéenne

Arrière-arrière-petite-fille d’Albert et Suzanne Didier

 

 

C’est à Verpel que mes arrière-arrière-grands parents ont vécu et ont caché deux enfants Juifs en 1943/1944 dans ce petit village ardennais du nord-est de la France occupé par l’armée Allemande.        

Ils s’appelaient Albert Didier et Suzanne Didier, née Deveaux. Ils étaient cultivateurs et Suzanne tenait, par ailleurs, un petit café où elle servait la cuisine familiale aux personnes de passage, le plus souvent des commerçants ambulants.

C’est de cette manière qu’ils ont fait la connaissance de Pierre Brytenyszok, surnommé «le  Petit Marchand ». Il venait régulièrement de Nancy pour vendre des vêtements de travail dans les campagnes.

 

Lors de l’offensive d’Hitler en Ardenne, Albert, Suzanne et leurs trois enfants (Geneviève (née en 1923), Pierre (né en 1926) et Jean (né en 1929)) ont quitté leur village le 14 mai 1940. Ne voulant pas laisser leur ferme à l’abandon, ils rentrèrent chez eux en juillet 1940 après avoir franchi difficilement la ligne de démarcation.

Tous les habitants sont également revenus rapidement, empêchant ainsi les Allemands de réquisitionner les terres. De nombreux jeunes du pays étaient retenus prisonniers en Allemagne et un chef de culture Allemand résidait dans un village voisin.

 

Un jour, Albert Didier reçut un courrier du  « Petit Marchand ». Depuis plus de deux ans, ce dernier ne passait plus dans le village car il avait été prisonnier de guerre et libéré en 1942.

De retour à Nancy, il ne pouvait plus travailler. Se sachant traqué, il a demandé à plusieurs de ses connaissances et clients, sans enfants, de cacher les siens. Tous ont refusé et il reporta ses derniers espoirs sur la famille Didier.

 

Mes arrière-arrière grands parents n’ont alors pas hésité et ont accueilli chez eux, Alexis et Lucette Brytenyszok nés respectivement le 23 mai 1929 et le 17 mars 1934. Pourtant le danger était grand. Quelques semaines auparavant, la Préfecture des Ardennes avait adressé un courrier au maire de Verpel lui demandant de signaler la présence éventuelle de personnes de confession Juive dans la commune.

Les parents, restés à Nancy, ont été dénoncés, arrêtés et internés à la prison Charles III puis au camp d’Ecrouves en Meurthe et Moselle.

Quelques semaines après la Libération, en novembre 1944, alors que les parents avaient survécu à l’internement, un soldat Américain, muni d’une lettre de Pierre Brytenyszok, est venu rechercher les enfants. En septembre 1946 Mr Brytenyszok remercia Albert et Suzanne Didier de leur hospitalité et de leur dévouement.

Je connais bien cette histoire car mon arrière-grand-mère, Geneviève Didier (épouse Mairien), se souvenait de tous les faits et était fière de raconter ce qui s’était passé à cette époque.

Néanmoins, ce pan de l’histoire familiale n’était pas évoqué de façon récurrente. Pour moi, et sûrement pour le reste de ma famille, ce qu’ont fait mes grands-parents pour les deux enfants juifs, relevait de la normalité.

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer au voyage en Israël ?

Il y a une dizaine d’années, mon arrière-grand-mère s’est rendue en Israël pour un voyage d’agrément. Elle avait été impressionnée par la ville de Jérusalem et par tous les sites religieux qu’elle avait visités. Elle se promettait d’ailleurs d’y retourner si la médaille des Justes était décernée à ses parents.

En souvenir de cet engagement que mon arrière-grand-mère n’a pu tenir, je souhaite visiter le mémorial de la Shoah et voir le nom de mes arrière-arrière grands parents gravé dans la pierre commémorative.

Ce voyage sera aussi l’occasion de rencontrer d’autres jeunes Français descendants de Justes ainsi que des jeunes Israéliens certainement fiers de nous parler de leur pays.

Anaïs Pauchard

19 ans, étudiante en Droit

Arrière-arrière-petite-fille de Pierrette Pauchard

Pierrette Pauchard était mon arrière-arrière-grand-mère et ma famille a hérité d'une maison juste à côté de là où elle vivait à Athez. C'est sa fille adoptive Colette qui m'a souvent raconté son histoire lorsque j'étais plus petite et que je venais dans le Morvan en vacances, histoire que je vais essayer de vous transmettre à mon tour.

 

Pierrette Pauchard est née le 16 septembre 1876. Ses parents, Louis Guyard et Françoise Ravier habitent une maison dans le hameau d’Athez, commune d'Anost au coeur du Morvan. Au total, onze enfants y verront le jour, Pierrette est la troisième de cette grande famille.

 

En 1899, elle épouse Marie-Joseph Pauchard, cultivateur et galvacher (paysan qui se louait avec ses boeufs pour le charroi). Le couple s’installe dans une maison du hameau d’Athez qu’ils ont achetée, ils auront quatre enfants, leur vie est simple et sommaire. Pour améliorer le quotidien, comme de nombreuses femmes du Morvan, Pierrette devient nourrice chez les Rothschild à Paris, avant la première guerre.

Comme c’est la tradition dans le Morvan, mais aussi par conviction et en complément de revenus, le couple Guyard-Pauchard demande, vers 1930, à accueillir un enfant de l’Assistance Publique. Les parents de Pierrette avaient déjà accueilli un garçon. Tout au long de sa vie, les enfants ont beaucoup compté pour elle. Elle aimait en être entourée.

 

Son mari décède en 1933, deux ans plus tard, l’Assistance Publique lui confie Colette Morgenbesser. Sur son livret, il est écrit qu’elle a été abandonnée et reconnue par sa mère biologique, une fille-mère juive polonaise.

 

La famille Pauchard accueille également pendant l’été des enfants en colonie de vacances. Fait du hasard ou simple coïncidence, ces petits parisiens sont souvent des enfants juifs, dont les filles Frydman.

 

Les enfants accueillis, qu’ils soient en vacances ou de l’assistance publique, sont très vite acceptés dans la famille. Colette devient la fille adoptive de Pierrette et donc la petite sœur de Léontine et Lucienne et de Marcel mon arrière-grand-père.

Lorsque la Seconde guerre mondiale éclate, Pierrette Pauchard fait preuve de courage et se range du côté de la Résistance à sa manière : elle conduit les jeunes au maquis la nuit, en cache dans sa grange, leur fait à manger… et ce malgré la présence de soldats allemands dans le hameau. Mais seul le courage de Pierrette parle, elle semble n’avoir peur de rien. Elle qui avait perdu 3 frères pendant la première guerre savait bien où était son devoir.

 

Au cours de l’été 1942, les enfants Frydman arrivent à Athez sans avoir annoncé leur venue, seule et terrorisés, en disant que leurs parents doivent les rejoindre dans quelques semaines. Pierrette, alors à table avec l’une de ses sœurs, Lazarine, accueille les quatre enfants à bras ouverts et les rassurent malgré les protestations de sa sœur. Rien, ni personne ne l’a fait changer d’avis, ce sont ses « gamins » et elle les aime comme ses propres enfants.

 

Dès lors, Bernard, Hélène, Ida et Suzanne font partie de la famille. Bernard, le plus jeune, né en 1933, fait sa rentrée à l’école d’Athez sous le pseudonyme de Bernard Petit et les filles aident Pierrette dans les tâches ménagères. Elles cousent des rubans appelés rococo, comme c’est la coutume, pour gagner un peu d’argent et aider Pierrette à subvenir aux besoins de tous. 

 

Pierrette doit aussi faire face à des dénonciations mais ne change pas d’avis pour autant et décide de garder les enfants auprès d’elle. Certains la soutiennent, l’aident … C’est le cas du docteur Roy, médecin et maire de l’époque, au courant de la situation, pour protéger la famille il n’hésite pas à bruler certains papiers. Le livret de l’Assistance Publique de Colette qui portait la mention « juive » en gros caractères est détruit. Cet acte, quelques années après empêchera le renouvellement des papiers d’identité de Colette pendant plus de 10 ans.

 

La famille Ménager, cultivateurs habitant près de la rivière à Athez, aide aussi à sa façon en donnant un peu de travail et de vivres.

Marcel Morot, un cousin de la famille, vient souvent chez Pierrette. Un jour, il conseille à Pierrette de cacher les enfants. Un copain à la kommandantur d’Autun le tient au courant de la situation, à la fois pour protéger les enfants mais aussi pour les maquisards.

 

Malgré tout, un peu avant la fin de la guerre, Hélène et Bernard Frydman doivent aller vivre chez la famille Servy, cultivateurs à Velée, la situation financière ne permettant plus à Pierrette d’assurer correctement le quotidien de tous.

Malheureusement, la nouvelle tombe : quelqu’un apprend que les parents Frydman ont été dénoncés et sont morts en déportation, Pierrette redouble alors de vigilance pour protéger les enfants.

 

A la Libération, les enfants sont en vie et peuvent enfin profiter de leur liberté. Suzanne décide alors de retrouver une amie à Lyon, peu de temps après, elle demande à Ida de la rejoindre. Les deux filles partent ensuite à Paris, Bernard et Hélène retrouvent leurs sœurs quelques mois plus tard. Ils partent tous aux Etats-Unis où un oncle les accueille, dès lors, ils vont y poursuivre leur vie, s’y marier, bâtir une famille.

 

Pierrette décède quelques années plus tard en 1951. Dès qu’ils peuvent revenir en France, les enfants Frydman viennent faire un tour dans le Morvan, retrouver Athez. Ida va même vivre à nouveau en France avec son mari militaire américain sur la base d’Evreux et Suzanne revient tous les deux ans pendant deux mois chez Colette. Cette dernière n’a jamais quitté la famille Guyard-Pauchard et une fois mariée, elle achète même une maison à Athez. Même lorsque Colette retrouve sa famille biologique, dans son cœur, Pierrette reste pour toujours sa maman et pour honorer sa mémoire a mis toute son énergie afin de constituer le dossier de reconnaissance au titre de Juste parmi les nations.

 

Charles Zajde, dans son ouvrage autobiographique « En mémoire des Justes », a rappelé un grand principe de la Torah : « Celui qui sauve une vie sauve l’humanité toute entière ». Il conclut son livre par ceci : « il suffisait durant la guerre d’une personne pour dénoncer une famille juive, mais il fallait une immense chaine de solidarité pour en sauver une seule ».

 

Pierrette Pauchard a fait preuve à la fois de solidarité, de courage mais aussi d’amour pour ouvrir les portes de sa maison et de son cœur à ces enfants. Elle a risqué sa vie pour ces enfants, qu’elle a tout de suite considérés comme les siens, malgré le danger. Elle leur a permis de survivre, de grandir, de vivre leur vie. Et pour toute la famille, elle reste un modèle de bonté, de dévouement et de générosité. Son acte de résistance et son courage sont pour nous tous un modèle et une fierté. Nous sommes fiers de faire partie de sa famille, de près ou de loin, et cette histoire, nous la raconterons à nos enfants, qu'ils puissent à leur tour être fiers de porter son nom.

 

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer au voyage en Israël ?

 

Je souhaitais que les gens se souviennent que la France n'a pas seulement été pendant la Seconde guerre mondiale l'auxiliaire de la dictature nazie, mais qu'il y a eu des hommes et des femmes qui ont donné leur vie pour sauver celle des autres.

On ne peut pas changer le passé, mais on peut lui donner un sens et c'est dans ce but que j'ai accepté ce voyage. L'épisode de la Shoah est évidemment un événement tragique de notre histoire et c'est à nous qu'il revient d'entretenir la mémoire de cette époque afin d'éviter un éternel recommencement de l'histoire. Ce devoir de mémoire, en tant que descendante de Juste j'y suis profondément attachée, à la fois par conviction personnelle et pour honorer les actes de mes ancêtres.

Ce voyage est pour moi l'occasion de me plonger au cœur de ce qui a réuni toute ma famille en octobre dernier lors de la cérémonie de remise de médaille de Juste parmi les nations à mon arrière arrière-grand-mère et ainsi de nous souder plus que nous l'avions jamais été autour de la personne extraordinaire qu'elle était. Il représente également pour moi la possibilité de rendre un véritable hommage à mon arrière arrière-grand-mère, en lui prouvant ainsi toute la fierté que je ressens d'appartenir à sa famille et de porter son nom.

 

 

 

CHLOE DAVAINE 

24 ans, étudiante en Philosophie

Arrière-petite-nièce de Madeleine Davaine

Née le 4 avril 1905, à Saint-Amand-les-Eaux (ville du Nord de la France), dans une famille protestante fervente, Madeleine Davaine est la sœur aînée de Jeanne, Ernest et Roland.

Henri Davaine dirige l’entreprise familiale, une fabrique de chaînes à maillons ronds, créée en 1835 et située au 8 faubourg de Roubaix.

En 1935, Madeleine prend soin de sa mère malade, qui décède le 12 janvier 1936. Elle prendra alors très à cœur son rôle de fille aînée auprès de son père et de grande sœur auprès de son frère cadet Roland.

La guerre est déclarée le 1er septembre 1939.

Madeleine est à Saint-Amand avec son père Henri qui dirige l’usine avec M. Jules Varvenne. Jeanne est à Epinal avec ses enfants, dans l’Est de la France. Son mari Roger est mobilisé ainsi qu’Ernest. Roland fait son service militaire.

La débâcle de mai 1940 entraîne alors l’évacuation partielle du personnel de l’usine Davaine à Guérigny (Nièvre) et le départ d’Henri et les siens à l’Escaladieu (Bagnères de Bigorre. Pyrénées).

En mai 1940, sous le pilonnage des plages dunkerquoises, Ernest meurt sur celle de Zuydcoote, après avoir exigé que tous ses hommes partent à l’infirmerie avant lui. Il est trop tard lorsqu’arrive son tour, la gangrène s’est installée. Il ne survit pas à l’amputation des deux jambes.

Le 16 octobre, Henri meurt des suites d’une hémorragie interne à l’Escaladieu.

 

Fin 1940, M. Varvenne, emménage “provisoirement” dans la “petite maison”, 8 faubourg de Roubaix, pour faciliter sa gestion de la Chaînerie, à laquelle Madeleine est, dès lors, associée. Elle a 35 ans. Dans l’obligation de travailler pour les Allemands, Madeleine fait tourner l’usine le plus lentement possible en détournant des matières premières des commandes “allemandes” (qui sont donc retardées systématiquement), et fait travailler le maximum d’employés pour les exempter du Service de Travail Obligatoire (STO).

Dès 1942, Madeleine héberge chez elle, au 2 faubourg de Roubaix (3 place Gambetta, aujourd'hui) deux petites filles juives, Jacqueline et Hélène Dessau, qui ont respectivement douze et deux ans. Leur grande sœur, Thérèse Dessau, est hébergée par la famille Rachin, dans une ville non loin de Saint-Amand. Madeleine leur demande, par précaution, d’abandonner leurs prénoms juifs. Elle se présente comme leur véritable tante et parle de Jacqueline et d’Hélène comme de ses propres nièces. Selon les souvenirs de Jacqueline, Madeleine agit également comme si c'était le cas : elle arrange des rencontres discrètes entre les deux sœurs et la troisième, ainsi qu'avec leurs parents, se soucie de leur bien-être et de leurs résultats à l'école, leur permet d'inviter des amies, de prier le dieu qu'elles veulent, et leur offre une nouvelle assiette pour la Pâque. C'est la fille de Jacqueline Dessau-Hilf qui est à l'origine de la demande de reconnaissance de Madeleine comme "Juste parmi les Nations" qui s'est concrétisée en juillet 2011.

 

Tante Madeleine a toujours refusé quelque titre honorifique que ce soit. M. Varvenne, co-gérant de l'usine pendant la guerre, avait préparé un dossier demandant la légion d'honneur pour Tante Madeleine, en raison de son action de résistante, mais elle a catégoriquement refusé de signer ce dossier, disant qu'elle n'avait rien fait d'exceptionnel. Son attitude était en accord avec ses convictions. Pour elle, il n’y avait rien d’extraordinaire à secourir des êtres victimes de l’oppression. C’était son devoir d’être humain vis-à-vis de ses semblables et la mise en acte de sa foi chrétienne, vivante et profonde. D'une famille protestante très pieuse, elle assura l' "Ecole du Dimanche" au temple, chaque semaine, et supervisa le mouvement scout unioniste amandinois.

 

Pourquoi avez-vous accepté de participer au voyage en Israël ?

Je suis très fière de ma grande-tante, de sa résistance courageuse durant la guerre et même après - la justice et la résistance ont été chez elle un mode de vie général - et ce serait lui faire justice que de lui rendre hommage dans le pays qu’elle a, d’une certaine manière et à son échelle, un peu participé, sans le savoir, à construire.

D’autre part, je suis très intéressée par la découverte d’Israel, plus concrète qu’au travers des livres et des journaux, et en particulier de l’immense patrimoine historique de Jérusalem.

 

MARIE YOUINOU  

18 ans, Lycéenne

Arrière-petite-fille de Pierre Descours

 

Pierre Descours, né en 1904 et mort en 1982, a obtenu le titre de Juste parmi les nations le 15 octobre 2012. Mr Khan a effectué pendant de longues années des recherches sur mon arrière-grand-père. L'année dernière, il a réussi à joindre ma grand-mère. A la réception de cette lettre, elle découvrit avec une grande émotion et une grande fierté, l'action de son père, qu'elle ignorait.

Tentant d'échapper aux allemands qui poursuivaient les juifs, après plusieurs étapes difficiles, la famille Khan trouva refuge en 1944 à Romans, dans la Drôme. Elle fut logée dans une modeste chambre d'hôtel. Mme Khan mère tomba gravement malade. Il fut indispensable de l'opérer très vite.
Ils se présentèrent aux portes de l’hôpital de Romans, où mon grand-père, Pierre Descours occupait alors le poste de directeur.
Il a admis madame Khan ainsi que son mari et ses deux enfants. Par mesure de sécurité, il prit la précaution de ne pas les inscrire sur les registres des entrées et leur donna une chambre proche d'une sortie directe vers l’extérieur.
Mme Khan fut opérée d'un cancer du sein et fut très bien soignée par tout le personnel. Pendant son hospitalisation, des policiers s'étaient présentés à leur précédente adresse, suite à la dénonciation de la famille Khan. Leur absence à cette adresse les a sauvés. La première libération de Romans survint durant cette période.
Par la suite, la ville fut reprise par les allemands et se trouva sous les bombardements. Personnel et malades furent transférés dans les caves de l’hôpital pendant une semaine afin d'être cachés à la police; puis la ville de Romans fut à nouveau libérée, définitivement.
  Je suis très fière de l'action de mon arrière-grand-père qui, en prenant de grands risques, a permis à cette famille d'être sauvée, et à Mme Khan d'être parfaitement soignée. Il a reçu pour ses actes, cette médaille, et à titre posthume le statut de Juste parmi les Nations, de la part de Yad Vashem et du Comité Français."

Pourquoi vous avez accepté de participer à ce voyage ?

L'annonce de l'action de mon grand-père par Mr Khan, ainsi que la rencontre avec Mme Khan, a bouleversé l'ensemble de ma famille. Cette période de l’histoire a pris pour toute ma famille et moi, une réalité très différente et très touchante. L'histoire de la Shoah, qui fait partie intégrante de mon programme cette année, est également un sujet que j'avais librement choisi d'exposer pour mon Baccalauréat, porté sur les camps et l'expression artistique que les déportés ont pu y développer pour survivre et s'élever au-dessus de l'horreur concentrationnaire.
Je suis extrêmement touchée de pouvoir me rendre à Jérusalem, pôle historique des trois religions monothéistes, particulièrement intéressante par cette diversité culturelle et le symbole qu'elle représente. Je suis heureuse de recevoir également le témoignage d'autres petits enfants de Justes, certainement très touchés, comme moi, par le courage de leurs aïeux dans la période où les juifs ont été persécutés. Ce voyage permettra un lien immédiat entre nous. L'évocation des souffrances des millions de Juifs qui ont perdu la vie, à cause de l'idéologie nazie, va me faire prendre davantage conscience de l'ampleur de ce désastre, et également de l'importance de l'action des justes, qui ont sauvés un grand nombre d'entre eux.
Des hommes et des femmes ont risqué leur vie, sans attendre quelconque récompense. Ils l'ont fait anonymement, avec une grande humilité. C'est cette chaîne de petites actions, de mains tendues, de solidarité qui ont parfois permis à certains Juifs d'échapper aux horreurs de cette guerre. Ce voyage pourra me permettre de découvrir avec émotion d'autres parcours ou chemins de vie et constituera sans doute un prolongement entre Mr Khan, sa famille, et la mienne.
Il s'agit également pour moi d'élargir ma famille avec les petits enfants, ou proches directement concernés, partager le souvenir des juifs disparus, et honorer les familles de survivants. La notion de transmission de la mémoire de la Shoah me paraît essentielle : Il nous faut maintenant la préserver et l'entretenir afin de la transmettre à notre tour.
Je remercie vivement la Fondation France Israël et Yad Vashem de m'offrir de vivre ces moments d'échanges très enrichissants avec le groupe de participants, les habitants, et les lieux de mémoire de la ville de Jérusalem.

AXELLE BOUCHARLAT

28 ans, Juriste

Arrière-petite-fille d’Henri Lafoy

 

 

Henri Lafoy était président d’un consortium de papiers peints à Villeurbanne (Rhône). Au nom de la société, il avait fait l’acquisition du château de « La Duchère », situé à Lyon Vaise. La propriété, avec ses 35 hectares et ses corps de ferme, servait de centre de vacances pour les employés de la société et leurs enfants. Henri Lafoy y vivait avec sa femme et ses six enfants, et les familles du personnel du château. Dès l’occupation, des Lorrains et Alsaciens qui ne voulaient pas être incorporés dans l’armée allemande y trouvèrent refuge.

 

Plus tard, Henri Bayzelon, prisonnier de guerre évadé, s’y replia et prit la gestion de la ferme qui abrita aussi des résistants. Trois familles juives réfugiées de la zone occupée y furent accueillies par les propriétaires. Elles avaient entretenu de simples relations d’affaires avec Henri Lafoy.

Avec l’intensification des rafles, Henri proposa naturellement et de façon désintéressée, d’héberger Pierre et Denise Schwartz et leurs deux fils, Jacques, 17 ans, et Roland, 15 ans. Ils y vécurent, nourris, logés, et cachés à titre gracieux, de juillet 1943 à juillet 1944.

La famille Toubiana, originaire de Tunisie, et leur fille d’une dizaine d’années, ainsi qu’un couple de personnes plus âgées, les Hauser, bénéficièrent de la même aide, malgré les grands risques encourus. Aucuns des habitants de la propriété, qui comptaient de nombreuses personnes elles-mêmes recherchées, ne révéla la présence des réfugiés juifs.

Le bombardement des forces alliées sur la gare de Vaise causa des dégâts qui obligèrent l’évacuation d’une partie des locataires du château. La famille Schwartz alla se cacher à Saint-Martin-en Haut, un village des Monts d’Or. Après leur départ, la Milice fit une descente dans la propriété pour arrêter Henri Lafoy, mais il eut le temps de se cacher dans les bois avec d’autres clandestins.

Pourquoi vous avez accepté de participer à ce voyage ?

J’ai accepté de participer à ce voyage car cela me semble très important au nom "du devoir de mémoire", afin que la seconde guerre mondiale et la Shoah demeurent dans le souvenir collectif et que les souffrances de cette période ne soient pas "oubliées".
J'ai appris l'histoire de mon arrière-grand-père Henri Lafoy, lors de la cérémonie de remise de médaille du Juste lorsque j'avais une douzaine d'années et je souhaite témoigner de cette histoire familiale et de l'importance des valeurs de solidarité entre les peuples. Ma grand-mère (fille d'Henri Lafoy) et mon grand-père (futur gendre à l'époque d'Henri Lafoy) ont vécu cette période et ont contribué à protéger une famille juive pendant la guerre. Je trouve que c'est un très beau geste de pouvoir les représenter lors de ces cérémonies à Jérusalem, et témoigner ainsi que les générations futures souhaitent poursuivre cet élan de solidarité et promouvoir de belles valeurs humaines.


ALEXIA CAPPELLAIRE  

20 ans, Etudiante en école de commerce

Arrière-petite-fille de Simone et Gabriel Philbert

 

Simone et Gabriel Philbert, et leur fille unique Annie, vivaient à Nançois-Sur-Ornain.

La distinction de « Juste parmi les Nations » a été remise à titre posthume à Gabriel et Simone Philbert, qui ont durant la guerre caché Félix Goldschmidt. Il était l’un des 19 évadés du train de déportation venant de la gare de Bobigny qui transportait 1200 innocents vers le camp d’extermination d’Auschwitz. Le 12 juillet 1943, Félix Goldschmidt se fait arrêter par la Gestapo pour acte de résistance et se fait condamner à mort. Les Allemands ne savaient pas encore qu’il était juif, et Félix proteste contre cette sentence puisque qu’il est Juif. Cette déclaration lui sauva la vie, car il fut mis dans un train en direction d’Auschwitz. Après avoir sauté du train et en dépit de ses graves blessures, Félix Goldschmidt a été retrouvé par deux enfants, avant qu’Abel Baudot et Gabriel Philbert ne le prennent en charge et le transportent au domicile des Philbert.

Simone et Gabriel ont soigné et recueilli Félix de novembre à décembre 1943, l’aidant ensuite à fuir vers la Suisse. Ils lui procurent en effet une fausse carte d’identité et l’accompagnent près de la ligne de démarcation où il retrouve sa famille et rejoint la zone libre.

Trente-trois ans plus tard, le fils de Félix Goldschmidt est venu rendre hommage aux sauveteurs de son père en allant à la rencontre de Simone et Gabriel Philbert.

L’histoire de mes arrières grands-parents m’a été transmise très tôt, mais j’ai pu vraiment connaître les détails des faits durant la cérémonie, lorsque ma grand-mère a reçu la médaille des Justes.

  

Pourquoi vous avez accepté de participer à ce voyage ?

 

J’ai accepté de participer à ce voyage en premier lieu pour découvrir Israël, que je n’aurais jamais pu avoir l’opportunité de découvrir autrement.

Après avoir visité le site de la Fondation, j’ai découvert que ce voyage rendait hommage aux Justes à travers des témoignages de leurs descendants, et également que ce voyage permettait de connaître d’apprendre et d’approfondir mes connaissances sur la culture juive et l’histoire de son peuple. J’ai été touchée et émue par ces hommages et j’aimerais à mon tour en avoir l’opportunité.

Je pense que ce voyage pourra m’enrichir humainement et faire partager l’histoire de ma famille dont je suis très fière.

 

PAUL ROMAGNAN          

20 ans, Etudiant en Droit

Petit-fils de Rose-Anne Romagnan

 

 

Louis Romagnan est né le 4 novembre 1909 à Marseille. Fils de Joseph, fonctionnaire municipal, conservateur du cimetière St-Pierre, il devint peintre en bâtiment et syndicaliste chrétien, membre des Jeunesses Ouvrières Chrétiennes (JOC). C’est dans ce cadre qu’il rencontra Rose-Anne Macello, couturière, membre de la JOC, né à Marseille le 21 juillet 1913 de parents Italiens.

Louis et Rose-Anne se marièrent en juin 1937 et habitèrent au 2e étage du 45 rue Breteuil, dans le 6e arrondissement de Marseille, près du palais de justice, à deux pas de la préfecture.

 

La famille Romagnan prospéra très vite : Jean-Marie est né en avril 1938, Monique le 4 juillet 1939, Michel le 11 novembre 1940, Anne-Marie le 28 décembre 1941.

Louis Romagnan, quasi aveugle d’un œil, ne fut pas mobilisé dans l'armée française. Vice-président de la confédération de l'artisanat familial et président de la fédération des artisans provençaux, il fut nommé membre de la délégation spéciale chargée de la gestion de la ville de Marseille, en novembre 1940. Il restera dans cette fonction jusqu’en août 1944.

Par l’intermédiaire d’un ami de la famille, Elie Pardigon, directeur de la Caisse d’Allocation familiale et actif dans les réseaux d’entraide d’une part et de l’Association Economie et Humanisme qui se trouvait sur le même palier que les Romagnan d’autre part, il fut demandé à Louis et Rose-Anne, en novembre 1942, d’employer une femme de ménage réfugiée, juive d’origine russe : Youra Kargarlitzkaya.

Au bout de quelques temps, au vue des difficultés que rencontrait Youra pour se déplacer dans Marseille (les Allemands occupèrent la zone libre dès le 11 novembre 1942 et les rafles se multiplièrent particulièrement en janvier 1943), Rose Anne proposa à Youra d'être hébergée dans le bureau, rarement utilisé de Louis, son mari. Les souvenirs familiaux rapportent que Youra jouait avec les jeunes enfants et qu'elle faisait sa propre cuisine à base d'oignons.

Finalement, au vue du danger causé par l’intensification des rafles et du risque que cela représentait pour les époux Romagnan et leurs cinq enfants (Rose-Anne était alors enceinte de son 5 e bébé, Marc, né en juin 1943), Youra partit se cacher ailleurs :

"Tant que j’étais dans la maison, tout était calme et j’étais en sécurité, mais il était impossible de rester toujours à l'intérieur et, une fois sortie, je n'étais jamais sûre d’être de retour. Les gens ont été emmenés dans les rues, des commerces et des maisons, pendant des jours et des nuits. Quand j'étais dehors et que je ne revenais pas alors que je le devais, je les trouvais à courir partout pour me chercher. Cela devenait impossible de vivre une telle vie et on a décidé qu’il valait mieux que je parte pour un lieu plus sûr" comme en témoigne Youra dans une lettre datée du 12 juillet 1945, adressée à sa famille aux Etats-Unis.

 

On raconte que Youra était réputée pour s’être évadée plusieurs fois de camps d’internement et qu’elle aurait dit que si les Allemands étaient venus frapper à la porte, elle aurait sauté par une fenêtre dans la cour intérieure de l’immeuble pour s’enfuir.

A la fin de la guerre, Youra est revenue voir Rose-Anne Romagnan et sa famille, au 45 rue Breteuil, en tenue de combat, armée, accompagnée d’un officier. Il semble donc que Youra ait participé à la libération de la France.

Louis et Rose-Anne Romagnan ont toujours parlé à leurs enfants de la venue de Youra dans le foyer familial, au cours de l'hiver 1942-1943, comme un simple acte de charité chrétienne destiné à aider son prochain comme ils l'ont fait tout au long de leur vie.

 

Pourquoi vous avez accepté de participer à ce voyage ?

J'ai accepté ce voyage tout d'abord pour rendre hommage à ma grand-mère, puis à tous les justes de France et du monde. En soit, moi je n'ai rien fait pour "mériter" ce voyage, mais ma grand-mère a risqué sa vie et celle de ses 9 enfants, dont mon père, pour sauver une vie et rien que pour ça je souhait partir, pour la remercier. Je pense qu'il est de mon devoir de le faire. D'ailleurs, mes deux sœurs en feront autant dans quelques années dès qu’elles le pourront.

DAPHNE BEMBARON    

31 ans, Responsable de boutique

Arrière-arrière-petite-fille de Charles et Berthe de Lespinasse

 

Charles et Berthe de Lespinasse sont mes arrières-arrières-grands-parents.

A l'époque de la seconde guerre mondiale, ils vivent à Nice et sont âgés d'environ soixante-dix ans.

En novembre 1942, l'armée italienne occupe Nice et sa zone d'occupation en France. L'administration italienne se montre clémente et freine l'application des lois antisémites de Vichy. Beaucoup de familles juives s'y installent. La famille Garih séjourne quelque temps à Cimiez, sur les hauteurs de Nice, dans une pension tenue par la famille de ma grand-mère maternelle.

En septembre 1943, c'est le début de l'occupation allemande et des arrestations, rafles et déportations.

 

 

Amis de mon arrière-grand-mère (fille aînée de Charles et Berthe) Henri Garih, son épouse Arlette et ses deux enfants Claude (6 ans) et Huguette (1 an) sont accueillis par Charles et Berthe de Lespinasse dans leur villa où Henri restera enfermé au grenier, son épouse étant présentée à l'entourage comme une de leur fille. Ils resteront là plusieurs mois jusqu'à leur départ pour Villefranche de Rouergue, leur présence à Nice devenant de plus en plus risquée.

 

En février 2008, ma mère est contactée via Internet par Claude Garih qui désirait faire son devoir de mémoire et faire inscrire Charles et Berthe de Lespinasse au Livre des Justes parmi les Nations.

 

Un dossier est alors ouvert mais la preuve de l'authenticité des faits devait être apportée. Mon grand-père Jacques de Lespinasse (père de maman) a tenu son journal de 1939 à 1945 : les traces de la famille Garih ont été retrouvées dans ses écrits. Conjointement, toute la correspondance de mon grand-père avec ses parents et grands-parents avait été conservée. 

A la lecture des lettres, des phrases demandant ou donnant des nouvelles des "G." ont témoigné des relations qui existaient entre les familles, relations amicales dénuées de tout intérêt et inquiétudes des uns pour les autres. Ces faits n'étaient connus que de ceux qui les avaient vécus et n'ont été révélés qu'au moment de cette recherche.

 

Pourquoi vous avez accepté de participer à ce voyage ?

Ce voyage évoque pour moi un moment fort, émouvant, me permettant de « renouer» avec une partie de l'histoire de ma famille maternelle. Ayant un grand paternel déporté durant la guerre, le geste de mes arrières-arrières-grands-parents maternelles a une symbolique encore plus forte d'autant plus que ce geste a été naturel pour eux.

Pouvoir partager avec des gens issus du même "passif", ayant entendu, ressenti des histoires similaires sera un moment indescriptible.

JULIEN BAUX       

21 ans, travaille en Bijouterie

Arrière-petit-fils de Norbert Baux

 

 

Nobert Baux est né protestant et a grandi à Mazamet puis une fois marié à Blanche, il a emménagé avec celle-ci à Lavaur au 16 Place du vieux marché.

 

Avant la guerre il était propriétaire d'une mégisserie sur Briatexte qui fût inondée et fermée.

Puis sous l'occupation, il a ouvert un atelier de textile sur Lavaur et grâce à l'aide d'une connaissance il obtient un poste de secrétaire à la mairie de Lavaur où il rencontra M. Pinkus Steinfeld surnommé « M. Paul » qu'il a engagé comme ouvrier dans son atelier pour la fabrication de chemises.

 

Dans son appartement, au 16 Place du vieux marché, il a caché durant 2 ans « M. Paul » dans plusieurs pièces dont un placard lui-même caché par une armoire.

Sa fille Andrée Baux, âgée de 16 ans, était dans la confidence et malgré les fréquentes visites de la police M. Paul eut la vie sauve.

 

 

Pourquoi vous avez accepté de participer à ce voyage ?

 

Ce voyage, proposé aux fils et petits-fils de justes par la fondation France-Israël, est une chance et une occasion d'en apprendre davantage sur l'Histoire d'Israël et du peuple juif.

L'Histoire et la culture de ce pays sont intéressantes puisqu'elles se sont construites en peu de temps et là où toutes les religions se côtoient. Entre la vielle ville et les nouvelles constructions.

 

Ce voyage me permettra d'en apprendre plus également sur la famille Steinfeld. Ainsi que sur la vie de mon arrière-grand-père que je n'ai pas connu.

Pauline JACON     

25 ans, Secrétaire comptable

Arrière-petite-fille d’Henri et Lydie Fournier

Henri Fournier est né le 22 février 1886 et est décédé le 7 janvier 1967, Lydie Fournier née Issartial, est née le 10 avril 1888 et est décédée le 16 novembre 1956, ils vivaient à Istor, commune de Tence depuis 1925 avec leurs fils Paul Fournier. C’était mon grand-père, il m’a souvent parlé de sa famille et de ce qu’ils avaient fait.

Il avait 12 ans quand ils ont caché Itzsak Michaeli (Mika), Georges Levitte, Pierre Weil-Reynal et Elie Rotnemer, ils sont restés à Istor jusqu'en août 1944. Lydie les avaient installés dans l’appartement au 1er étage et quand il y avait une alerte, un bruit ou que le chien aboyait, elle donnait des coups de balais au plafond pour les prévenir d’un éventuel danger et ils allaient se cacher dans un trou qu’ils avaient fait dans le foin à la grange.

Pierre Weill Raynal a rejoint la résistance armée de Haute Loire dès le mois de juillet. Il participa à la libération du Puy ainsi qu’à la bataille d'Estivareilles. Les autres restèrent chez mes arrières grands parents jusqu'en août pour rejoindre alors Moissac dans le Tarn et Garonne. Tous étaient moniteurs dans les maisons d'enfants des éclaireurs israélites de France.

En 1943, la politique génocidaire est renforcée contre les Juifs, même français assimilés (c'est à dire ne se reconnaissant pas forcément dans l'identité juive, mais se sentant avant tout français) et culmine en Zone Sud. Les enfants de la colonie de Moissac, qui vivaient quasiment au vu et su de toute la population, ont donc été cachés dans des familles ou des couvents, parfois dans le but de les envoyer se réfugier en Suisse. Le petit groupe des jeunes moniteurs a alors comme alternative de s'engager dans la résistance ou de suivre les enfants. Ils sont sous la direction de Georges Levitte, et ont pour but de réfléchir aux sources du judaïsme, de façon spirituelle et intellectuelle. Ils étudient la Torah et pratiquent leur religion dans le bâtiment qui était à l'époque la grange. Mon grand-père racontait qu'enfant, il entendait des chants mystérieux en passant devant. Ils ont été rejoints ensuite par Jacob Gordin, grand intellectuel d'origine russe, qui avait émigré en Allemagne puis avait fui ce pays. Il avait travaillé comme comptable dans la colonie de Beaulieu avec sa femme, Rachel.

Ils étaient financés par le joint (l'association des Juifs américains). L'argent leur était apporté par Joseph BASS, créateur du Réseau André, russe lui aussi, qui aimait venir discuter avec Jacob. Ils sont restés à Istor probablement jusqu'en avril 1944, certains sont ensuite partis se battre dans la résistance, d'autres se sont occupés des enfants.

Henri et Lydie Fournier, mes arrières grands-parents, recevront de façon posthume le titre de Juste parmi les Nations pour cette action courageuse d'accueil de réfugiés juifs menacés.

 

Pourquoi vous avez accepté de participer à ce voyage ?

 

J’ai accepté de participer à ce voyage afin de découvrir Israël, cela va me permettre en effet de découvrir un pays et une culture qui me sont inconnus. Mais aussi parce que je vais pouvoir représenter mes arrières grands parents, qui ont fait acte de bravoure et ont risqué leur vie.

Enfin j’espère aussi rencontrer d’autres petits enfants de justes afin de pouvoir échanger nos différentes histoires.

 

Arthur ROQUES    

25 ans, Travaille sur les marchés

Arrière-petit-fils de Dora Rivière

 

 

 

Dora RIVIÈRE est née le 13 avril 1895 à Saint-Etienne

 

Elle avait un frère aîné, René porté disparu lors de la 1ère guerre mondiale, en décembre 1914 sur le front de l’Oise.

 

C’est lors de la disparition de son frère, âgé tout juste de 20 ans, que la vocation de Dora est née : le sens de l’aide qu’elle pourrit dorénavant apporter aux victimes de quelque souffrance que ce soit.

 

Après des études à Lyon, elle devient la première femme médecin du XXe siècle.

Elle multiplie les actions sociales en faveur des enfants et des mères déshéritées, participant notamment à des associations humanitaires.

 

Ainsi dès les années 1930, elle a connaissance de la montée du nazisme et des 1ères persécutions.

Dès 1941, sous le nom de code de « Monsieur Lignon », Dora Rivière entre dans le mouvement de Résistance Combat, dirigé par Henri Frenay. Elle cache ainsi, Emile Bollaert, ancien préfet du Rhône, révoqué en 1940, par le gouvernement français.

 

Son parcours de résistante s’est cristallisé autour de la protection et du sauvetage des enfants juifs. Elle considérait que tout enfant juif traqué par la police allemande devait être protégé dans les maisons d’enfants, caché chez elle ou dans les fermes alentours.

Dora Rivière a été également au cœur d’une filière d’évasion de familles juives vers la Suisse.

 

Dénoncée en raison des actions menées pour sauver des personnes pourchassées, Dora est arrêtée, le 06 octobre 1943 à son domicile. Elle est internée au fort Montluc à Lyon, puis à Fresnes et au camp de Compiègne-Royallieu, d’où elle déportée le 31 janvier 1944 au camp de concentration de Ravensbrück.  

Elle y prodigue ses soins aux femmes de toutes les nationalités avec de tous petits moyens et souvent à l’encontre des décisions des médecins nazis.

Dora Rivière est libérée en avril 1945.

 

Pourquoi vous avez accepté de participer à ce voyage ?

Ce voyage est l’occasion pour moi de me replonger dans l’histoire familiale, qui aurait pu tomber dans l’oubli. C’est à nous, la jeune génération, de prendre le relais de la transmission de ces actes honorables ! la connaissance de son passé est la base de construction pour son avenir.

De plus, il me tarde de découvrir Israël, qui m’intrigue de par son histoire et sa situation

Romain TARDY-PANIT   

27 ans, Gérant d’un établissement de nuit

Arrière-petit-fils de René et Hélène Bindel et Petit-fils de Jean Bindel

 

 

Guy Deutscher et ses parents Claire et Michel ont fui Berlin et sont arrivés clandestinement en France en Juillet 1939.

A la déclaration de la guerre, Michel s’engagea comme volontaire dans l’armée française. Il fut fait prisonnier en Mai 1940 et fût rapatrié en avril 1945. Claire loua un appartement à Paris non loin de l’un de ses frères, Simon. Son autre frère, Maurice, habitait dans le 12ème. Tous deux travaillaient dans la métallurgie et au moment des lois sur l’aryanisation, ils vendirent leur société au directeur de la société Bousségui avec lequel ils entretenaient de très bonnes relations.

Les oncles de Guy et leurs familles furent plus tard arrêtés et déportés, ils ne revinrent jamais.

Guy et sa mère furent arrêtés lors de la rafle du Vel d’Hiv mais furent relâchés en tant que femme et enfant d’un prisonnier de guerre. Claire décida d’aller voir M. Bousségui pour lui demander de l’aide mais ce dernier, effrayé des risques encourus, leur dit qu’il ne pouvait rien pour eux. Alors qu’elle sortait en larmes de son bureau, la secrétaire de M. Bousségui, Hélène Bindel, arrêta Claire et lui proposa de l’héberger.

Guy et Claire passèrent quelques jours dans l’appartement d’Hélène, puis allèrent chez sa belle-mère avant finalement d’atterrir chez sa tante Mme Pava, rue Lafayette. Cette dernière mis à disposition de Claire une chambre de bonne qui devint pratiquement son domicile fixe jusqu’à la libération.

René Bindel inscrivit Guy dans un internat à Vincennes, qui accepta de le prendre sans révéler son identité.

La nuit où les femmes de prisonniers furent arrêtées, Claire se trouvait comme à l’accoutumée rue Lafayette, grâce à cela, elle fût sauvée de la déportation.

Devant le danger croissant, les Bindel décidèrent de faire quitter Paris à Claire et Guy. Jean Bindel était rentré depuis dans la résistance dans le Jura. En Mai 1944, il les fit venir à Montreuil aux Lions où il exerçait, sous une fausse identité, en tant que géomètre. Il leur procura de faux papiers et les cacha dans le village jusqu’à la libération.

 

Pourquoi vous avez accepté de participer à ce voyage ?

 

Mon grand-père, Jean Bindel reconnu Juste parmi les Nations en 1982, ne m’a jamais beaucoup parlé de cette période de sa vie. J’étais de plus très jeune lorsqu’il est décédé en décembre 2000.

J’ai donc accepté ce voyage afin de mieux connaitre une partie de l’histoire du peuple juif qui recoupe également l’histoire de ma propre famille.