Christophe Cabrol
Christophe Cabrol

Au début de l’année 1943, Antonine TENA est informée par son cousin Amédée, très engagé dans les réseaux de la Résistance, que ces derniers cherchent à placer des enfants juifs dans des familles d’accueil en zone libre. Mon arrière-grand-mère répond favorablement à cet appel.

Par cet intermédiaire, Georgette (épouse CYMERMAN), Thérèse SZERER sa sœur et leur cousin Paul, arrivent ainsi à Montségur à la fin de l’été 1943. Georgette avait 13 ans et intègre donc notre famille au sein de laquelle vivent 3 enfants : Janine, Pierre et Georges.

Janine, alors âgée de 23 ans, s’investira pleinement, avec cœur et enthousiasme pour l’accueil et l’épanouissement de Georgette.

Un lien fraternel se crée très rapidement, ce qui permet à Georgette de vivre un peu moins péniblement la séparation avec ses parents. Le quotidien, l’école, la vie au village et dans l’usine familiale scelleront ce lien indéfectible qui unira Janine et Georgette toute leur vie.

La pudeur de ma grand-mère, faisait qu’elle racontait cette histoire avec simplicité et naturel, rendant l’acte de sa famille banal alors qu’il était héroïque.

Les recherches allemandes régulières dans la région, étaient pourtant un rappel de la terreur qui régnait à cette époque terrible, obligeant Janine à cacher Georgette dans les bois autour du village de nombreux jours.

Tout aurait pu être simplement la vie d’une famille dans un petit village de la Drôme. Une famille originaire de Suisse, installée à Montségur sur Lauzon qui tenait une petite fabrique de ressorts de montre. Et puis, la guerre arriva en 1939. Il semble que malgré l’horreur dont certains ont été les acteurs, d’autres personnes se sont également illustrées par leur courage et leur humanité. Je crois pouvoir dire que ma grand-mère et sa famille étaient de ceux-là…

Je retiens d’elle, une grande bienveillance, appliquée à toutes choses, prévenante, et c’est bien ainsi que la décrit également Georgette Szerer dans son témoignage :

« Les Tena étaient comme une vraie famille pour moi : on déjeunait en famille. J’avais un vélo, je me promenais librement (sauf quand on nous avertissait que des allemands arrivaient et que j'allais dans le maquis), j’avais même du chocolat suisse à 4heures, j’allais à L’école, j’ai passé mon Certificat d'études poussée par Janine.

La libération n'a pas été un soulagement pour moi, j'étais tellement heureuse chez les Tena que je ne me rendais compte de rien ».

 

L’amitié qui a lié Georgette et Janine a duré toute leur vie durant, simple et sincère. Pour ma grand-mère, Georgette était une grande amie, une sœur, dont le lien reste fort malgré l’éloignement, par des contacts réguliers. Jamais Janine n’a évoqué cette période autrement, jamais elle n’a évoqué ceci comme un acte de bravoure. C’était tout simplement normal et naturel.

 

Et même si ces 3 années ont sans doute été bien difficiles et angoissantes à bien des égards, tout cela a disparu pour ne laisser que la beauté d’une relation indéfectible.

 

Je suis admiratif de cela, admiratif de la relation qui se crée entre les personnes dans des situations périlleuses. Admiratif aussi, de l’empathie et de l’humanité de ma grand-mère et sa famille, qui n’a d’égal que leur modestie.

 

Cette fierté familiale est aussi pour nous tous aujourd’hui un exemple.

Nous devons à présent faire vivre notre devoir de mémoire, pour ne jamais oublier.


Samuel Cartaut-Brunel
Samuel Cartaut-Brunel

La mère adoptive de mon père, Eugénie BRUNEL est née le 29 août 1899 dans un petit village de l’Ardèche à Gilhoc sur Ormeze. Elle y a travaillé et vécu jusqu’à sa mort le 22 juin 1984. Je connais son histoire car mon papa m’en a parlé.

De 1920 à 1923, elle a fait des études de sage- femme à la « CHARITE », hôpital lyonnais, place Bellecour.

Ayant obtenu son diplôme de sage- femme libérale, elle revint habiter avec sa mère (son père étant décédé en 1921) qui tenait une épicerie à Gilhoc. Les accouchements se faisant à domicile, elle parcourait de jour comme de nuit les chemins de campagne par tous les temps à pied et à vélo jusqu’en 1930 où elle passa son permis de conduire et acheta une 5cv Peugeot.

Dès 1940, le premier convoi de réfugiés juifs arriva dans le village. Elle aida la famille SAMUEL strasbourgeoise (une maman impotente avec ses 3 enfants) qui logeait en face de chez elle jusqu’en 1945, Louis de RUMSDYK artiste peintre et sa compagne : 13 personnes qui échappèrent à la Gestapo de ST- Etienne après la rafle du 13 avril 1944, Mr LEBOUTET commissaire de police de MARSEILLE (Exodus), Marie FLORISSANT dame de compagnie de Mme Jean VIGO...

En 1944, la famille PRINZ hollandaise pourchassée par la Gestapo fut cachée à Gilhoc. Spontanément, Eugénie BRUNEL offrit l’hospitalité à la petite fille Betty 9 ans. Elle fit loger la grand-mère, la mère et le fils Freddy 4 ans dans une maison vétuste inoccupée en campagne jusqu’à la fin de la guerre. Le père et le grand-père furent pris et déportés. Cette famille émigra ensuite aux USA.

Durant cette période, Eugénie Brunel s’engagea aussi dans la Résistance qui était pour elle une attitude naturelle inspirée par sa foi et sa tradition huguenote. Grâce à son permis de circuler et à sa profession, au mépris du danger, elle a participé à de nombreuses missions périlleuses (parachutage, cacher des résistants...).

Dans ses mémoires, elle a écrit : « J’avais connu des Juifs à LYON... jamais je n’aurais cru avant le désastre de 40, que l’on put mépriser un peuple à ce point...alors un sentiment de révolte, d’injustice m’a possédée, et sans jamais penser qu’il y avait danger, j’ai aidé tant que j’ai pu et avec les faibles moyens dont je disposais... Je puis affirmer que c’était aussi un sentiment complètement désintéressé... »

En mars 1981, à JERUSALEM, la Médaille des JUSTES obtenue à partir du témoignage de Betty lui fut remise par le président NAVON de l’état d’ISRAEL. Accompagné de mon père, son fils adoptif, elle planta aussi son arbre à YAD VASHEM dans l’Allée des JUSTES.

En 1983, elle reçut le Diplôme d’Honneur du Mémorial Juif de LOS ANGELES. Nous avons gardé des relations avec la personne rescapée qui vit à LOS ANGELES.

Je l’ai même rencontrée, Le 30 juin 2013, lorsque Betty accompagnée de ses 2 fils est venue spécialement de LOS ANGELES pour inaugurer une plaque commémorative en hommage à Eugénie BRUNEL fixée sur la façade de sa maison natale.

Elle a été nommée « Juste parmi les Nations » pour avoir aidé bénévolement au sauvetage de plusieurs familles de réfugiés juifs et hébergé durant plus d’un an une fillette juive de 9 ans, BETTY PRINS-HYATT.                     

 

Sandra Chauvin
Sandra Chauvin

Mon arrière-grand-père Fernand DEVES était transporteur et mon arrière-grand-mère Emilie institutrice (comme moi aujourd’hui…). Ils habitaient une grande maison dont ils louaient une ou deux chambres. Je n’ai pas connu mon arrière-grand-mère mais j’ai quelques souvenirs de mon arrière-grand-père qui sont tous deux décédés.

Avec ma sœur, nous avons grandi en entendant toujours parler d’Edith et Rose, 2 sœurs qui avaient été cachées par mes arrière-grands-parents pendant la guerre. Mais il n’y avait rien de glorieux à cela, cela faisait partie de l’histoire familiale. Mon grand-père nous en parlait et ma mère continuait à avoir des nouvelles par lettres. Mais l’histoire a pris plus d’importance lorsqu’avec ma mère nous avons retrouvé les cahiers que tenait mon arrière-grand-mère. 

Dans notre famille, on ne jette rien ! Nous avons donc trouvé dans cette maison familiale, où nous avons tous vécu, énormément de choses : journaux, vêtements, photos, actes notariés mais aussi vieux bas et dents ! Et les journaux de mon arrière-grand-mère.

Nous avons donc lu, avec plus de détails l’histoire d’Edith et Rose Margolis, les sœurs polonaises qui étaient venues en France pour se soigner et qui n’ont pas pu rentrer en Pologne à cause de la guerre.  Des soldats polonais placés sur Bollène avaient demandé à mes arrière-grands-parents s’ils pouvaient accueillir 2 familles polonaises : les Sapir et les Margolis qui furent toutes les deux hébergées chez nous.

En juillet 1942 des gendarmes sont venus chez mes arrière-grands-parents pour chercher les familles juives. Edith était intransportable car elle venait d’être opérée de l’appendicite. Mon arrière-grand-mère a alors caché Rose et Estha Sapir dans sa chambre. La mère d’Estha a simulé une crise et a crié en yiddish « partez ! ». Un médecin les a déclarées intransportables et elles ont pu ainsi rester chez mes arrière-grands-parents.

L’histoire qui m’a le plus marquée, des souvenirs racontés par mes grands -parents et ma mère est la suivante : vers la fin de la guerre, leurs deux neveux de 17 et 19 ans sont descendus de Moselle pour entrer dans la Résistance. Mais ils ont été pris dans une rafle à Valréas dans le Vaucluse et ont été fusillés. Leurs corps devaient rester sur place pour servir d’exemple.

Mon arrière-grand-père est alors allé à la morgue de l’hôpital de Valréas récupérer leurs corps et il est parti de nuit les échanger avec ceux de ses neveux. Il est revenu sur Bollène, est allé trouver un curé qui accepta de les enterrer. Cette nuit-là mon arrière-grand-père n’a sauvé personne mais il a risqué sa vie pour que ses neveux aient une sépulture : je trouve cela héroïque.

Edith et Rose furent cachées jusqu’à la fin de la guerre. Rose, alors, rencontra un GI. Leur cérémonie de mariage a d’ailleurs eu lieu chez mes arrière-grands-parents. Puis les deux sœurs sont parties vivre à Chicago.

Edith et Rose ont toujours gardé des liens avec notre famille, avec mes arrière-grand- parents puis, après leur décès avec ma grande tante et avec ma mère.  En 2014, mes parents sont allés à Chicago, pour les revoir. Ils furent   accueillis à   bras ouverts et découvrirent   la demande faite auprès de Jérusalem pour que l’action de mes arrière-grands-parents soit reconnue. Cette surprise a vraiment ému mes parents.

C’étaient des catholiques pratiquants mais qui prenaient l’expression « aimer son prochain comme soi-même » au sens large. Mon arrière-grand-mère était quelqu’un d’ouvert, de curieux. Simples, ils auraient certainement été très gênés et peut-être un peu surpris d’être honorés pour leurs actions, pour eux cela était « normal ».

Je suis fière de mon histoire, de mes ancêtres et que leurs actions soient reconnues. Je regrette seulement que mon grand-père et ma grand-tante n’aient pas pu assister à la cérémonie en leur hommage, cela les aurait rendus tellement fiers…

Mes parents ont été particulièrement touchés que, après tant d’années et à leur âge (elles avaient plus de 90 ans au moment de faire la démarche auprès de Jérusalem), elles aient eu cette envie de reconnaissance envers mes arrières grands-parents. Ma mère a cherché à se rapprocher alors d’une autre famille cachée, les Sapir qui sont venus à la cérémonie. Les retrouvailles ont été « spéciales », nous avions l’impression de nous connaître et tout s’est fait très simplement.

 J’aimerais partager mon histoire avec celles d’autres descendants. J’aimerais surtout aller au Jardin des Justes voir le nom de mes arrière-grands-parents écrit ; il me semble que cela rendrait leur action « réelle ». Cela me semble irréel de savoir que leur nom est inscrit à Chicago, à Paris et à Jérusalem…Leur histoire n’appartient pas seulement au passé mais doit être transmise à mes enfants comme elle a été avec ma sœur et moi. Les belles actions doivent être soulignées et servir d’exemple : l’expérience n’est pas juste une lanterne qui éclaire dans le dos, on doit l’utiliser et l’appliquer dans les situations d’aujourd’hui et garder en mémoire le fait que nous pouvons tous, à un moment ou à un autre, à notre façon, aider quelqu’un.

Vanessa Cosson
Vanessa Cosson

Nous avons peu de détails sur l’histoire et les personnes sauvées ont levé le voile par leur démarche. Elles sont à l’origine de la nomination de mes arrière-grands-parents et nous ont contactés, Messieurs Richard et Daniel (Swartscztejn) dit SARTENE.

Mes arrière-grands-parents, Alice et Raoul GUYOT, vivaient à Paris et mon arrière-grand-mère était originaire de Couaveix, en Conquereuil, petit village de Loire Atlantique.

Ils connaissaient la famille SWARCSZTEJN (dit Sartène) à Paris.

 

En 1942, peu avant la rafle du Vel d’Hiv, mes arrière-grands-parents, ont participé au départ des deux frères Swartcsztejn, André (8ans) et Richard (3ans ½), en deux voyages, vers le village d’enfance de mon arrière-grand-mère à Couaveix en Bretagne.

Les enfants y ont été cachés et confiés à une nourrice durant la guerre.

 

Mon arrière-grand-père étant cheminot, a facilité le départ en train des enfants.

Par ailleurs, leur maman, Esther Swartcsztejn enceinte, a été cachée quelques temps chez mes arrière-grands-parents à Paris, rue Git le Cœur, avant qu’elle puisse être envoyée et cachée à son tour, en Touraine (je crois).

 

Les relations entre les familles s’étaient perdues, mais les frères Sartène viennent de reprendre contact.

Ainsi ma tante, Yolande (sœur de ma mère et petite-fille de Raoul et Alice) a déjà pu les rencontrer en décembre 2016.

 

J’aimerais exprimer, avant tout, la gratitude que j’ai envers la famille SARTENE, à Yad Vashem, et l’Etat d’Israël, pour l’honneur qui est fait à mes arrière-grands-parents, qui sont toujours restés silencieux sur cet épisode de leur vie et qui nous ont quittés.

 

Merci de ne pas oublier,

Merci de faire vivre la mémoire de nos aïeux,

Merci de nous donner accès à notre histoire dans l’Histoire.

 

Je suis incroyablement émue de toutes ces récentes informations, et j’aimerais, avec ce voyage pouvoir partager avec d’autres, nos émotions, nos découvertes et faire vivre, revivre nos ancêtres et leurs actions car il ne faut pas oublier.

 

Maxime Diaz
Maxime Diaz

Chercheur en biologie, résistant républicain actif, Diego Diaz a été contraint de fuir l’Espagne. Il se fixe, avec son épouse puis ses trois jeunes enfants, Diego, Jean-Pierre et Carmen, à Toulouse. La famille occupe le rez-de-chaussée d’un immeuble situé 27 rue Mulé. Cet immeuble abrite des réfugiés espagnols. Dès 1941, Diego DIAZ participe aux actions de Résistance.

Richard Thieberger et son épouse Jenny née Weiss, quittent Vienne (Autriche) en 1934, année où Richard Thieberger, après de brillantes études de Langue et Littérature allemandes et françaises, obtient un poste d’assistant de langue allemande au lycée de garçons de Reims. De 1936 à 1939, il est chargé de cours à l’Université de Caen. En 1938, juste avant l’Anschluss, le couple est naturalisé français. En 1939, Richard est mobilisé. Sa femme fuit Caen et fait l’exode avec sa fille Annie née en juin de la même année. La famille se retrouve par le plus grand des hasards à Poitiers.

Après avoir été démobilisé, M. Thieberger, sous la protection du Doyen de la Faculté de Lettres de Toulouse, Paul Dottin et du Professeur Jean Boyer, est, en janvier 1941, chargé de cours à l’Université et assistant au lycée. Le second enfant, Jacqueline, naît en janvier 1944 à Toulouse.

 Le 3 mars 1944, le Dr Diaz aperçoit une voiture Citroën noire qui se gare devant l’immeuble et il devine immédiatement qu’elle vient chercher la famille Thieberger. Il se met au piano. La Gestapo frappe à sa porte et demande où est l’appartement de la famille Thieberger. Diego Diaz fait celui qui ne comprend pas. Alors que les hommes de la Gestapo vont se renseigner chez la concierge et après avoir caché son fils sous l’escalier de la cave (son épouse et les deux autres enfants n’étaient alors pas là), Diego Diaz se précipite au premier étage, pour demander au voisin de palier de la famille Thieberger de prévenir Mme Thieberger afin qu’elle se cache sur le champ dans une mansarde, chez Ramona, avec ses deux jeunes enfants.

Son mari se trouvait à son travail, au lycée. Le temps était compté – une question de minutes. Diego Diaz se remet au piano. 

 

Sous la menace d’un fusil, la Gestapo revient à son appartement et entraîne Diego Diaz vers l’appartement de M. et Mme Thieberger. L’appartement est vide. La Gestapo conduit alors M. Diaz vers la Citroën. Menacé par l’arme, il n’a pourtant dit mot. La Gestapo (apparemment accompagnée d’un milicien) finit par le libérer, tout en ordonnant au Dr Diaz de dire à M. Thieberger, dès le retour de celui-ci à son domicile, de s’y trouver à 7h le lendemain matin quand ces Messieurs allaient revenir.

 Dès le départ de la Gestapo, Jenny Thieberger, après avoir confié ses enfants à Mme Diaz et à Mme Boyer, traverse la ville en courant pour faire prévenir son mari au lycée et lui faire dire qu’il ne devait surtout pas rentrer à la maison.  Ce même jour, la famille Boyer contacte Mgr Saliège, Archevêque de Toulouse, qui, en étroite collaboration avec le Recteur de l’Institut Catholique de Toulouse, Mgr de Solages, procure des caches à la famille Thieberger.  Mme Thieberger et sa fille Jacqueline sont cachées dans « la Maison des Mères ». M. Thieberger trouve refuge chez les Trappistes. Annie reste cachée chez la famille Boyer. Puis l’Église organise la fuite de la famille Thieberger à Mondilhan (Gers), à une centaine de kilomètres de Toulouse où elle vécut dans la clandestinité pendant six mois. La famille Boyer continuera à veiller sur les fugitifs.

Après le 19 août 1944, Richard Thieberger enseigne de nouveau à Toulouse et y fonde l’Université du Soir. Son parcours le conduit ensuite en Allemagne, en Zone d’Occupation Française, où il est chargé de dénazifier les milieux culturels. Puis il est responsable du bureau de l’Édition et des Lettres à la Direction des Affaires culturelles de l’Ambassade de France. Un troisième enfant naîtra avec la paix retrouvée. Par la suite, il est nommé Maître-Assistant à l’Université de Strasbourg, puis Professeur à l’Université de Nice.

Par son courage et au péril de sa vie, Diego Diaz a sauvé Jenny et Richard Thieberger ainsi que leurs deux enfants Annie et Jacqueline. Le 29 août 2013, l’Institut Yad Vashem de Jérusalem a décerné le titre de « Juste parmi les Nations » au Docteur Diego Diaz. Le 16 janvier 2015 au Capitole de Toulouse, c’est la remise de la Médaille des « Justes parmi les Nations » par Albert Seifer et Francine Théodore délégués de Yad Vashem aux ayants droit de Jean et Louise BOYER et Diego DIAZ, honorés à titre posthume.

 

Marie-Pierre Grillet
Marie-Pierre Grillet

La famille Fizicki

 

Chaïm Fizicki avait trouvé l’asile politique en France. Il avait fui la Pologne et espérait achever dans son pays d’accueil des études de biologie. Son chemin croise celui d’une autre réfugiée polonaise avec laquelle il se marie. Pour faire face aux nécessités de la vie, lui devient tailleur tandis qu’elle devient couturière à domicile. Le foyer (à Nancy) s’agrandit grâce à deux naissances : Ilicz, en 1933 et Claire en 1935.

Nancy devant être « germanisée » du fait de la guerre et de la défaite, la famille Fizicki prend les routes de l’exode. D’abord pour Bordeaux, ensuite jusqu’à Libourne, enfin, en 1941, ils arrivent à Civray dans la Vienne où ils sont arrêtés en juillet.

 Les persécutés parviennent à s’échapper. Mais hélas, un an après, soit en septembre 1942, la mère est à nouveau arrêtée lors d’une rafle. Elle est transférée à Drancy d’où elle sera déportée – sans retour - vers Auschwitz. Une grave maladie a évité au père de subir le même sort. Son état le rendait intransportable. Il décide alors et dans l’urgence, de placer les deux enfants à Chitenay.

 

L’accueil des enfants à Chitenay

Dans cette commune du Loir-et-Cher (41), un couple d’instituteurs, M. et Mme Rousseau, s’occupait de placer clandestinement des enfants juifs venant de toute la France. Ces enfants arrivaient généralement cachés, un par un, en gare de Blois. M. Rousseau, qui était également secrétaire de mairie, fournissait de fausses pièces d’identité aux petits. Les enfants, enregistrés sous de faux noms, étaient ensuite inscrits dans l’école de la commune. Quelques mois plus tard, les allemands de Blois vinrent un matin dans la cour d’école de Chitenay chercher l’institutrice. Après 3 jours d’interrogatoire où elle refusa de parler, celle-ci fut rasée.

Un jour, une dizaine d’enfants arrivèrent à Chitenay grâce au couple d’instituteurs. Mon arrière-grand-mère, dont le mari était prisonnier en Allemagne, élevait seul son fils unique (mon grand-père Gérard) tout en gérant l’exploitation agricole familiale composée de plusieurs ouvriers. Elle avait également à charge son beau-frère, Maurice, infirme. Le cœur sur la main, elle hébergea 5 enfants pendant quelques jours puis elle accepta de garder Ilicz Fizicky et de l’élever comme son propre fils.

 Pour ne pas que cela se sache, Ilicz pris le nom de « Jules François » et fit sa communion comme les autres enfants de la commune (cf photo).

Agé de 13 ans, Jules est rapidement devenu le meilleur ami de mon grand-père. Pendant les vacances, ils cueillaient du raisin dans les vignes de la propriété ou s’occupaient des animaux (vaches, poules, lapins etc.). Jules, qui aimait beaucoup lire, est rapidement devenu l’un des meilleurs élèves de l’école. Jules et Gérard rentraient tous les midis manger à la ferme avec mon grand-père car l’école était située à moins de 500 mètres.

L’entraide et la libération

La sœur de Jules, Claire, était hébergée chez Mme Girault, elle aussi basée à Chitenay. Mme Girault était alors veuve avec 5 enfants à charge. Les familles Grillet et Girault se sont énormément entraidées pendant toute cette période. Elles ont hébergé ces enfants de début 1943 à 1945, soit plus de deux ans et demi. A la Libération, Chaïm s’était engagé dans l’armée régulière. La guerre enfin terminée, il est venu rechercher ses enfants orphelins de leur mère morte à Auschwitz. Claire et Jules, qui avaient été baptisés pour ne pas éveiller de soupçons, retrouvèrent leur religion d’origine.

La cérémonie

Le 4 juillet 2010, les Médailles de Justes parmi les Nations ont été remises - à titre posthume-aux ayants-droit de Sylvine Girault et de Blanche Renée Grillet. Cette cérémonie avait pour cadre la Mairie de Chitenay.

 

Marie Khenaffou
Marie Khenaffou

Voici l’histoire de Lucienne et Charles Khenaffou qui ont reçu la Médaille de « Juste parmi les Nations » le 19 Janvier 1994.

Mathide née Burdin, catholique française née à Chambéry, vit rue Sainte-Catherine à Lyon avec son mari, Charles Khénaffou.

Ouvrier hautement qualifié, Charles Khénaffou est juif et avait été déclaré essentiel pour l’effort de guerre allemand.

Il travaillait aux usines Berliet, constructeur automobile.

Mathilde connaît un peu Elie et Ines Boucara, des juifs originaires de Tunisie, qui ont un commerce de tapis anciens et d’objets d’art ,19 place Tolozan, à Lyon.

Le 19 novembre 1943, Elie Boucara né à Tunis le 14 février 1881, est averti qu’il va être arrêté. Il hésite à partir mais ne saisit pas l’occasion pour s’enfuir. La Gestapo réquisitionne son appartement.

Il a été dénoncé par un de ses employés qui l’accuse de fraude fiscale, au prétexte qu’il n’aurait pas déclaré son stock le plus précieux. Le soir, toute la famille va coucher chez les Khenaffou, sauf lui.

Le lendemain, le 20 novembre 1943, Elie Boucara et son beau-frère Armand Cohen sont arrêtés à leur domicile de la   Place Tolozan, à Lyon.

Armand, né en septembre 1909 à Salonique (Grèce), habitait 6 rue de l’Hôtel de Ville à Lyon. La Gestapo découvre sur Armand des papiers compromettants : Il faisait de la résistance. Torturé, il ne parle pas. Il est fusillé quatre jours plus tard le 24 novembre 1943 dans les caves de l’école de la Santé à Lyon..

Elie est déporté sans retour par le convoi n° 63 vers le camp Schwentoschlovitz,.

Le reste de la famille avait pris la fuite.

Après l’arrestation d’Elie et Armand Cohen, la femme d’Elie, Ines, avec ses trois enfants- Mireille, Robert et Dario, sa sœur, Jeanne Cohen et sa fille Nicole sont recueillis, par Lucienne-Mathilde Khenaffou, dans leur appartement.

Un collègue de Charles leur trouvera par la suite une cachette à Lachapelle-sous-Chanéac, en Ardèche où ils resteront jusqu’à la Libération.

De cette date à la libération, Lucienne-Mathilde Khenaffou expose sa vie et celle des siens, en diverses circonstances, en les accompagnant   avec ses deux fils, Daniel et Guy, au village de Lachapelle -sous -Chanéac.

De retour à Lyon, elle prend chaque mois, le risque de retirer des cartes d’alimentation pour cette famille, avec de fausses cartes d’identité.

Ainsi passe-t-elle tout l’hiver de l’année 1943-44 en compagnie de cette famille recherchée par la Gestapo.

 

 

Isabelle Pallanca
Isabelle Pallanca

Marie-Thérèse PALLANCA née DAGNA mon arrière-grand-mère et Marius PALLANCA mon arrière -grand-père, se sont distingués pendant la seconde guerre mondiale par leurs actions héroïques. Tous les deux sont aujourd’hui décédés.

Je connais l’histoire d’après mon grand-père Henri (fils ainé des Justes) qui avait lui aussi un sens de la justice et du devoir, de mon père ainsi que de ma grand-tante qui a gardé des liens avec la famille des survivants.

 

Mordka TENENBAUM et sa femme habitent le 19ème arrondissement de Paris. Il exerce la profession de coiffeur, près des Buttes Chaumont. Le couple a un enfant, Lucienne, née en 1933. 

Fin 1940, M. TENENBAUM et ses deux frères partent en zone libre à Nice. Gryna, Lucienne, Rosa et son fils Lucien, né en 1934, les rejoignent un peu plus tard.  En tout, 7 personnes sont réfugiées à Cagnes sur Mer, dans le parc de St Véran (Alpes Maritimes). 

Dans ce même quartier, Marius et Marie-Thérèse PALLANCA ont une maison. Ils ont deux enfants, dont Huguette née en 1931, compagne de jeux de Lucienne. Elles font du vélo ensemble. Une amitié est née entre ma grand-tante (fille des Justes) et une nouvelle camarade juive de classe arrivée de Paris,

Mais la petite Lucienne est bavarde et Huguette rapporte à sa mère : « elle m’a dit qu’ils étaient juifs et qu’ils fuyaient les nazis ».  Lucienne parle à la famille PALLANCA du périple de sa famille et mes arrière- grands-parents découvrent que sa famille était juive. Marie-Thérèse est allée prévenir la famille de ses bavardages inopportuns et leur recommander de faire attention.

Marius PALLANCA, cheminot, propose spontanément aux TENENBAUM de se réfugier dans sa maison en cas de danger.  Ce qui arrive plusieurs fois ; ainsi les TENENBAUM se réfugient dans le pavillon de la famille PALLANCA. 

Cette famille a logé au 2ème étage de notre maison de famille à Cagnes-sur-Mer sur la Côte d’Azur, alors que les allemands avaient installé une infirmerie au rez-de-chaussée. Mes arrière-grands-parents ont alors secouru la famille de plusieurs façons, et particulièrement en les aidant à se procurer des papiers pour qu’ils puissent circuler librement. Puis les TENENBAUM vont se cacher dans le vieux Cagnes car le danger augmente.

Quand le père est interné au Camp des Milles près d’Aix (d’où il sortira sous l’action conjointe de son épouse et de Marius Pallanca) Lucienne est chez les Cagnols.

Quand la tension monte, les Tenenbaum ont alors confié leur fille à mes arrières-grands- parents, qui sont partis en zone libre avec Lucienne pour y trouver de meilleures conditions de vie.

 

 

 

Les Pallanca ayant fait l’acquisition d’une petite ferme dans le Puy-de-Dôme et Mme Pallanca décide de s’y rendre en compagnie de sa fille et de Lucienne, munie de faux papiers au nom de Pallanca. Elle passe pour la cousine d’Huguette. Cela se situe vraisemblablement en mars 1944. Huguette raconta avec humour « on disait que c’était ma cousine mais ils ne l’ont jamais cru là-bas, elle faisait parisienne ». Ainsi ils ont pris soin de Lucienne pendant des années en la faisant passer, au péril de leur vie, pour une cousine parisienne de leur propre fille.

 

Marie-Thérèse était parfaitement consciente du danger qu’elle faisait courir à sa famille puisqu’elle avait demandé l’avis du curé de sa paroisse avant d’aller dans le Puy-de-Dôme. Ce dernier lui avait déconseillé cette action et fait ressortir les gros risques encourus.

A la fin de la guerre Gryna TENENBAUM a pu venir rechercher sa fille..

  

Les deux familles restèrent en contact après la Libération.

Lors de la cérémonie à Cagnes le maire Louis Noir a dit leur gratitude devant le caractère héroïque des actions de Marie-Thérèse et Marius Pallenca.

Nadine, la fille de Robert a dit de ses arrières grands- parents combien ils étaient toujours optimistes, gais et contents de leur sort, même si modestes. 

Les Tenenbaum vivent maintenant en région parisienne et sont toujours en lien avec la famille. 

 

Le 27 Février 2013, l’Institut Yad Vashem a décerné à Marius et Marie-Thérèse PALLANCA,

Le titre de « Juste parmi les Nations ».

 

Emmanuelle Ragot
Emmanuelle Ragot

Ma famille habitait dans l’Aveyron. Mes grands-parents Marie et Joseph Alauze étaient agriculteurs et habitaient avec leurs deux enfants, Nicole et Wilfrid, à Millau (12).

Ils  exerçaient aussi des activités commerciales:  ma grand -mère avait un commerce dans le centre de Millau et mon grand-père travaillait pour l’entreprise Singer, ce qui lui donnait la possibilité de se déplacer.

Par ailleurs, ils se livraient aussi à des activités agricoles car ils possédaient une petite vigne située à 2 km de la ville sur les hauteurs de Millau.

Quand, à l’automne 1942, les rafles de Juifs firent des ravages à Millau, le couple hébergea Mme Heymann, sa mère et sa fille Nicole, 6 ans, juives originaires d’Alsace.

 En 1940, les Heymann et leurs proches (oncles et cousins) s’étaient réfugiés à Millau où ils séjournèrent pendant toute la durée de la guerre. Les Juifs devenant la cible d’arrestations, les Alauze qui vivaient très modestement, offrirent gracieusement l’hébergement aux trois membres de la famille Heymann dans la petite maison attenante à leur vigne.                      

Wilfrid, 12 ans, a gardé le souvenir « des corvées de vigne » qu’il devait effectuer à pied ou à vélo pour aller nourrir les animaux de la basse-cour que ses parents élevaient au même endroit. En réalité le panier contenait, aussi, la nourriture que les Alauze faisaient parvenir quotidiennement à leurs trois protégés, un fait que Wilfrid ne comprit que bien plus tard. Mais la maison de vigne s’avéra bientôt inconfortable pour une personne âgée : le couple offrit le gîte à la mère de Mme Heymann, sous leur toit, dans leur appartement de deux pièces et Wilfrid lui laissa son propre lit.

Comme celle-ci ne parlait que l’alsacien et le yiddish, elle se faisait passer pour muette.

Les Alauze avaient promis qu’en cas d’arrestation des parents de Nicole, ils la recueilleraient et l’élèveraient comme leur propre fille, du même nom et presque du même âge.

Ainsi mes grands -parents ont hébergé et nourri la famille Katz de Strasbourg et ont nourri la famille Wolf de Colmar.

 

Par leur bravoure et leur générosité,  ils ont sauvé la vie de trois personnes. L’histoire familiale m’a été partiellement racontée par ma mère née en 1935. Nicole Katz, rescapée que j’ai rencontrée à Strasbourg dans le cadre de mes études m’a donné d’autres précisions lorsque je lui ai remis une lettre de ma mère.

Pour autant, je n’ai connaissance de comment s’est faite la prise de contact sur place. La rescapée Nicolle Katz, née Heymann, à Strasbourg m’a dit qu’un facteur sur Strasbourg leur avait conseillé de descendre sur Millau car là, ils trouveraient des gens pour les aider

Voici  quelques éléments de son témoignage :

Nicole Katz avait 8 ans à la fin de la guerre. Elle se souvient de la famille Alauze, des personnes modestes qui n'ont jamais fait état de ce qu'elles avaient accompli.
La famille Heymann s'est réfugiée durant toute la guerre à Millau. Les Alauze ont hébergé au péril de leur vie et au nez des allemands, Nicole, sa mère et sa grand-mère. Lorsque les rafles ont commencé, ils les ont cachées dans leur maison de vigne, en dehors de la ville. Ils étaient décidés à recueillir Nicole au cas où les siens seraient arrêtés.
Les deux familles sont restées en relations après la guerre, puis Monsieur et Madame Alauze sont décédés.
Il s'est avéré qu'ils avaient également aidé une famille Wolf, de Colmar, avec qui ils ont correspondu très longtemps.
Nicole Katz a retrouvé la fille de la famille Alauze, Nicole Ragot, à qui a été remise la Médaille en hommage à ses parents.
Depuis toujours les familles avaient gardé un contact plus ou moins proche selon les périodes ; à partir de 1997 ils furent très proches grâce aux enfants. La rescapée et sa famille sont à l’origine de la démarche pour que mes grands -parents soient à titre posthume reconnus

« Juste parmi les Nations ».

Les deux familles et tous les descendants, petits enfants compris étaient réunis lors de la cérémonie des Justes à Paris en 2003 et nous avons organisé un grand diner tous ensemble pour tous nous connaître et garder des liens. Bien sûr, ma mère et la rescapée portant le même prénom et de la même tranche d’âge, se sont retrouvées, se voient depuis régulièrement et sont retournées ensemble sur les lieux en Aveyron. Pour ma part, je me rends avec ma famille une fois par an à Strasbourg.  J’en profite pour voir la famille Katz et passer si possible shabbat avec eux pour que les descendants respectifs se connaissent.

Le 3 février 2003, Yad Vashem a décerné à Marie et Joseph Alauze  le titre de « Juste parmi les Nations ».

 

Nicolas Ribes- Turgeon
Nicolas Ribes- Turgeon

En 1943, mes arrière-grands-parents Marcelle et Marius Ribes habitaient Maury, un village des Fenouillèdes dans le département des Pyrénées-Orientales. Ils possédaient des vignes dans les terres des alentours et un mas (La Roque) à flanc de montagne entre Maury et St-Paul-de-Fenouillet.

Ils avaient 4 enfants : Jeanne, René, Paul (mon grand-père) et Raymonde. Jeanne était déjà mariée et avait quitté la maison. Les autres enfants demeuraient avec leurs parents. Paul avait environ 18 ans et son frère René était à l’aube de sa vingtaine. Les deux frères aidèrent le maquis en faisant des rondes de surveillance dans les vignes entourant le village et ils surveillèrent le mouvement des quelques troupes allemandes de la région. Raymonde, la cadette, était encore une enfant à l’époque.

 

La nièce de Marcelle et Marius, Germaine Bastacki reconnue aussi Juste parmi les Nations, habitait dans les environs de Perpignan et oeuvrait, avec ses parents, pour un réseau de protection envers les personnes juives. Le Dr Otto Weinmann fit partie des personnes bénéficiant de leur aide. Il devait se rendre en Espagne par Banyuls-sur-Mer mais un malheureux incident, une fracture du pied, l’empêcha de poursuivre sa route. Otto fut soigné à l’hôpital de Perpignan, amené par de bonnes âmes. Les parents de Germaine le cachèrent quelques temps à l’hôpital de Perpignan.  Ensuite, Mme Bastacki lui trouva une autre cache en ville.

Or, plus le temps passait, plus le risque d’être découvert devenait grand.

 

Germaine eut alors l’idée de contacter Marcelle, sa marraine, et Marius à Maury pour leur demander s’ils accepteraient de cacher Otto quelques temps.

Bien que Marcelle ait eu peur pour ses enfants, la réponse fut positive. Ils donnèrent leur parole et Otto resta en sécurité tout au long de son séjour qui s’étendit de 1943 à 1944.

 

Otto se promena entre leur demeure dans le village et le mas La Roque. Marius et ses fils René et Paul l’aidaient à monter dans une charrette et le recouvraient de foin pour l’amener au mas respirer l’air frais à l’abri des regards. Otto donnait parfois un coup de main à la vigne.

 

 

 

 

Dans des correspondances envoyées à Raymonde, bien des années plus tard, il évoqua les vendanges et ses souvenirs du petit Édouard, premier petit-fils de Marcelle et Marius. Sa blessure guérie, Otto reçut l’aide de Simone Pasquet, reconnue également « Juste parmi les Nations », pour revenir en Autriche en passant par Lyon, au moment où la ville fut libérée en août 1944.

Il rentra à Vienne en 1947 et y resta jusqu’à son décès en 2010.

Audrey Souverbielle
Audrey Souverbielle

En 1942, mon grand-père, Léonce SOUVERBIELLE, alors âgé de 19 ans, a engagé un jeune homme de confession juive, Joseph BIALOT, comme apprenti au sein de l'entreprise familiale d'ébénisterie à COARRAZE.

 

En effet, ce dernier avait fui Paris avec ses parents et était assigné à résidence dans la ville de NAY, située à 2km. Il devait alors trouver un emploi afin d'être détaché de la Compagnie des Travailleurs Etrangers.

En 1942, Joseph reçut une convocation pour rejoindre le camp d’internement de Gurs.   Mon grand-père récupéra donc l’acte de naissance de son jeune frère, Jules, à la mairie du village pour le lui confier, accompagné du certificat de première communion et de sa carte d’alimentation. Ce document permit à Joseph d'obtenir une carte d'identité à Grenoble et ainsi de pouvoir circuler en France.

 

Or, en Juillet 44, lors d'un contrôle, il lui est posé une question en béarnais à laquelle il ne sut pas répondre. Il fut alors déporté à Auschwitz jusqu'à la libération en 1945. Il en sortira vivant !

Il s’est d’ailleurs toujours demandé s’il devait sa survie au fait qu’il avait été interné sous un faux nom…              

Durant cette période, mon grand-père a veillé sur les parents de Joseph.

 

Par la suite, malgré l’éloignement géographique, mon grand-père est resté en lien avec Joseph, installé à Paris, jusqu’à son décès en 1988.

Joseph demanda lui-même à ce que mon grand-père, alors décédé, soit reconnu « Juste parmi les Nations ». Le 13 Août 2000, YAD VASHEM lui décerna ce titre.

Joseph, devenu un écrivain reconnu, faisait régulièrement un clin d’œil à notre famille dans ses livres comme un personnage ou magasin portant notre nom, ou l’évocation du Béarn…et garda le contact jusqu’à son décès le 25 Novembre 2012.

En 2002, il publia notamment le témoignage de sa déportation dans un livre : C’est en hiver que les jours rallongent.

Etant âgée seulement de 6 ans au décès de mon grand-père, ce sont mes parents et ma grand-mère qui m’ont raconté leur histoire. Durant mes études secondaires à Paris, j’ai appris à mieux connaître Joseph, qui aimait se souvenir et me raconter l’époque où il vivait à Nay et travaillait chez mon grand-père….

Aujourd’hui, les liens sont maintenus avec sa veuve et ses enfants, qui ont été ravis d’apprendre que j’avais été retenue pour participer à ce voyage de commémoration et de souvenirs.

Tous attendent avec impatience le récit de mon voyage !!

 

 

Eugénie Terneyre
Eugénie Terneyre

Voici l’histoire de Germaine Retrut, mon arrière-grand-mère, malheureusement décédée en 2000.

Née en 1904, « Mamie » a son permis en 1922, ce qui est assez rare pour l’époque. Elle épouse Monsieur Bellostat mais devient veuve rapidement. Elle épouse en seconde noce Monsieur Terneyre et donne naissance à mon grand-père René puis divorce dans les années 1930. Elle est alors gérante d’un hôtel à Clermont-Ferrand.

Une des gouvernantes Lucienne Defaisse de l’hôtel vit alors en collocation avec une meneuse de revue  juive Flora Izäaks dite Floret, artiste chorégraphe, cliente de l’hôtel lorsqu’elle était engagée par le théâtre municipal. Juive d’origine hollandaise, Flora s’était réfugiée à Clermond-Ferrand avec sa fille Alice, en 1939.

Le 26 juin 1943, suite à l’assassinat de deux policiers allemands par la Résistance, les autorités allemandes procédèrent à une rafle qui fit 38 victimes parmi les Juifs de la ville. Flora était l’une d’elles. Elle fut emmenée par la Gestapo, déportée et mise à mort dans l’Est. Les policiers qui s’étaient présentés au petit matin à leur domicile familial ayant embarqué la mère, laissèrent Alice alors âgée de 16 ans livrée à elle-même. Elle frappa de porte en porte pour trouver du secours, mais refoulée, elle retourna à l’appartement, exposée au danger d’une récidive policière qui eut lieu après son départ. Ce fut Lucienne Defaisse, mise au courant du drame, qui vint la chercher, la ramena à l’hôtel. Ma grand-mère Germaine accepta de la cacher. Elles la munirent de faux papiers et l’employèrent comme membre du personnel de l’hôtel et du restaurant, logée et nourrie par ses deux bienfaitrices jusqu’en 1945. Quand des rumeurs de rafles circulaient, elles cachaient Alice au grenier jusqu’à la dissipation du danger. Comme l’hôtel accueillait un grand nombre d’inconnus, la jeune fille put se fondre dans la masse des clients sans éveiller les soupçons. Expliquant les raisons pour laquelle sa mère avait pris tant de risques pour sauver une juive en danger, le fils de Germaine dit : « l’amour des enfants et sa foi catholique ».     

La plupart des événements relatés ici sont donnés par Yad Vashem.

 

Personnellement, je n’ai pas d’idée des dates mais je crois que tout cela s’est passé après 1943, voire en 1944.

Après la guerre, Mamie vend son hôtel de Clermont-Ferrand et en achète un à Lourdes. Elle le gère de 1945 à 1955, le vends et en achète un autre à Paris où mes grands-parents s’installent pour le diriger.

Mamie retourne ensuite à Clermont pour prendre sa retraite, elle s’installe ensuite à Pau dans une maison de retraite puis meurt en décembre 2000.

Elle est morte quand j’avais cinq ans, j’ai très peu de souvenirs d’elle. Tous les détails que j’ai pu évoquer sont des souvenirs transmis par d’autres personnes, mes grands-parents ou mes parents. Elle est évoquée de temps en temps en famille, surtout par mon père, son petit-fils.

Mon arrière-grand-mère avait beau être une figure impressionnante et forte, son attitude à l’égard de cette enfant n’a pas souvent été évoquée au sein de notre famille : elle a refusé, forte de caractère, de voir une enfant partir entre deux uniformes.                                             

Pour mon arrière-grand-mère, ce n’était pas un acte héroïque mais normal, presque instinctif. Sa personnalité est toujours restée forte : elle avait d’ailleurs refusé les médailles et les honneurs.  C’est mon grand-père qui a accepté la médaille pour elle.

C’est une position tout à fait louable, mais cette vision, héroïque, humble et humaniste me semble malheureusement banalisée.

Cependant nous n’avons gardé aucune relation avec le rescapé et sa famille et nous ne savons pas où ils vivent.  Ainsi j’aimerais que ce voyage avec la délégation de petits enfants de Juste parmi les Nations soit pour moi l’occasion d’échanger avec d’autres descendants et de pouvoir, alors, avoir un autre regard sur ce pan de mon histoire familiale

Alecsandra & Véronique TACKJIAN

Ç’est avec une grande émotion qu'Esther Lirou a reçu le 25 mars 2014, la Médaille et le diplôme de Juste parmi les Nations, décernés à titre posthume, à son mari Lucie Lirou.   

L’histoire commence il y a bien longtemps, en Russie, quand les pogroms chassant les juifs, ont jeté Berish et Déborah sur les routes de l 'exode.                             

 Arrivés en France avant la première guerre mondiale naturalisés en 1927, installés à Paris, Berish est ébéniste vernisseur et Déborah élève les quatre enfants nés de leur union.    

Berish sera arrêté par la police française de Vichy, envoyé à Drancy, déporté à Auschwitz par le convoi n:3 du 22juin 1942 . Il y sera mis à mort le 19 août 1942.

Dénoncée par les voisins, Déborah se cache et organise le départ de ses aînés Maurice, Rosa et Simone. Ils vont partir en zone libre à Pau. Elle décide de rester à Paris avec sa plus jeune fille, Esther qui a 20 ans.  Maurice à Pau prend l’habitude d’aller acheter son pain dans la boulangerie Lirou.  Il noue une relation de confiance et d’amitié avec Lucien Lirou. Il apprend ainsi que ce boulanger, marié et père de deux jeunes enfants, appartient à un réseau de résistants, qu’il fournit le maquis et qu’il livre le camps de Gurs. Grâce à son frère, fonctionnaire à l 'Office du blé à Paris qui lui établit de faux papiers, il fait passer la ligne de démarcation.

Le danger se précisant, craignant pour la vie de sa mère et de sa sœur restées à Paris, Maurice demande à Lucien d 'aller les chercher. Le temps d’organiser " le sauvetage » avec des membres de son réseau, Lucien fait partir Maurice et ses sœurs dans son village natal dans le Gers. Il les cache dans la maison du Docteur du village, qui restera jusqu’ à sa mort un ami de la famille Goltzmann.  Lucien qui connaissait bien Paris pour y avoir travaillé comme apprenti dès 16 ans, monte chercher Déborah et Esther : le départ se fait gare d’Austerlitz pour Pau.

Le voyage fut cauchemardesque car les contrôles se succèdent. Déborah panique et Lucien lui demande de ne pas dire un mot car son accent la trahirait. Il cache Esther dans la soute à bagages du train, et c’est en gare de Mourenx à 150 kms de Pau que les choses s’aggravent. Des officiers avec des chiens montent dans les wagons. Déborah s’affole et Lucien n 'a d’autre solution que de la faire descendre à contre voie

 Il prévient Esther qu'un résistant l’attend avec des vélos derrière la gare, (ce point de contrôle devenant très difficile à franchir le réseau avait prévu un passeur) lui dit qu’il se charge de sa mère et qu’elle doit faire le restant du chemin à bicyclette jusqu’à Pau !!! ...

Lucien et Déborah prennent la route vers Plaisance du Gers, mais se font arrêter lors d’une halte dans une auberge. Lucien parlemente avec les policiers français, obtient la promesse qu’elle sera libérée le lendemain. Il l’emmènera rejoindre ses enfants à Plaisance où elle restera jusqu’à la libération.  Esther fut hébergée par Lucien Lirou, participa aux tâches ménagères et aida à la boulangerie.

Lucien tombera amoureux d’Esther. Il divorcera et l’épousera en 1953.

 Par son engagement dans la résistance, Lucien Lirou montera plus d’une fois à Paris, au péril de sa vie, faire ce voyage de la peur et sauver des juifs en danger. 

 Il parla peu de tout cela .... Il disait " c’était normal que je le fasse ".

Berish Goltzmann, lui, n’est jamais revenu. C’est un des 76000 noms gravés sur le Mur des Noms du Mémorial de la Shoah à Paris.

Lucien Lirou est l’un des 3900 noms gravés sur le Mur des Justes et des 24 000 personnes dans le Monde qui ont reçu cette haute distinction.

 L'un était mon grand-père maternel, l’autre était mon père.

Je suis émue et honorée que ma fille Alecsandra puisse aujourd’hui faire ce voyage en Israël, avec la Fondation France Israël.

Marjolaine Trunfio
Marjolaine Trunfio

L'histoire commence en 1941 lorsque mes arrière-grands-parents accueillirent le petit David Tropper au sein de leur famille.
C'est la sœur de David, Rachel Tropper, accueillie dans un village tout proche de celui de son petit frère, qui a retrouvé la famille de mes arrière-grands-parents. David avait raconté toute cette période dans un journal intime.

 Mes arrière-grands-parents avaient quatre enfants : Joseph l'ainé (mon grand-père), Thérèse, Charles et Suzanne.
Mon arrière-grand-père, Jean-Claude Burnat ne travaillait pas car il était tombé malade au retour de la première guerre mondiale. C'est mon arrière-grand-mère, Marthe, qui s'occupait de tout.  C’est mon grand-père, Joseph, qui rapportait l'argent à la maison. Il travaillait comme ouvrier agricole. Cependant quand les allemands instaurèrent le STO, mon grand-père du
̂ fuir et partit dans la montagne non loin du village.


David Tropper avait pu poursuivre une vie plus ou moins normale grâce à mes arrière-grands- parents qui l'avait intégré dans la famille et caché des allemands. Ils l'ont élevé pendant trois années comme leur propre fils au péril de la vie de David mais aussi de la leur et de celle de leur famille.

 

 

Lors de la cérémonie de remise de Médaille des Justes, certains témoignages racontèrent de nombreuses anecdotes historiques.

« Une fois, les allemands pénétrèrent dans la cour de l'école : tous les enfants durent sortir. Ils obligèrent dénoncer les professeurs et les élèves de l'éventuelle présence d'enfants juifs dans l'école. Pourtant personne ne dit mot et ne dénonça le petit David. » rappela une personne du village de Saint Offenge qui avait été en cours avec le petit David.

D'autre part, Mme Beddi était, elle aussi, accueillie et protégée chez Mr et Mme Massonat. Hors, il se trouve qu'elle était voisine avec ma grand-mère Odette. Les deux filles allaient ensemble à l’école du Montcel, sortaient après les cours se balader dans la campagne.

C'est incroyable pour moi d'avoir rencontré Mme Beddi ! Ma grand-mère m'en avait parlé il y a de nombreuses années.
Malheureusement elle est décédée il y a 3 ans déjà. Je pense qu'elle aurait été très heureuse de revoir son amie Berthe avec qui elle avait partage
́, dans le passé, des moments d'amitié.